confidences d’un médium
Henry Vignaud est sans doute l’un des plus grands médiums actuels. Quel est l’ordinaire de cet homme aux capacités extraordinaires, dont le métier est de faire le lien entre les morts et les vivants ? Confidences autour de son parcours et de ses perceptions.
Vous recevez jusqu’à 25 personnes par semaine, depuis plus de 20 ans. Arrivez-vous encore à trouver votre don surnaturel ?
Voir des esprits et communiquer avec eux fait partie de mon quotidien, mais je ressens toujours une forme d’émerveillement. Face aux preuves de survie, d’abord, mais aussi quand je vois combien, par mon intermédiaire, certains retrouvent la paix et l’espoir.
Avez-vous parfois la pression ?
Les perceptions ne sont pas automatiques. Il peut y avoir des filtres spirituels, ou des écrans créés par l’énergie des vivants. Je reçois parfois des gens très durs, très exigeants. L’autre jour, une dame me reconnaît sur le quai d’une gare. « Mon fils unique est décédé, j’ai rendez-vous avec vous dans quelques mois, m’apprend-elle. Je ne sais pas si je vais tenir jusque là… Je n’ai jamais consulté de médium. Si je n’obtiens pas de signe, je me suicide. » Quand les gens sont dans une telle détresse, je prie pour obtenir des informations ! Mais à la clé, il peut y avoir des moments très forts.
Êtes-vous parfois surpris par des esprits ?
Je suis toujours curieux de découvrir leur intention. J’aime ces moments où l’âme s’impose à moi pour que je dise des choses. Hier par exemple, pendant une voyance, je vois apparaître la mère de mon client. Puis presque malgré moi, je lance à toute volée, en reprenant son ton tonitruant : « Arrête d’aller en boîte de nuit et de draguer les autres femmes alors que tu es marié ! » Le monsieur le reconnaît : « Mon épouse est dépressive, elle prend des médicaments pour dormir ; alors parfois j’en profite pour sortir… » Pas de quoi plaire à sa mère, une femme très droite et très autoritaire ! J’aime aussi quand des gens découvrent par mon intermédiaire des informations qu’ils ignoraient : comme cette dame, dont j’avais vu l’arrière-grand-père jouer de l’harmonium dans une église ; sur le moment, elle m’avait dit « non, ce détail ne colle pas ». Vérification faite, c’était vrai ! Ces indications invitent les gens à s’intéresser à leurs aïeux ; elles renforcent le lien.
Recevez-vous des gens parasités par des esprits ?
Ce n’est pas très fréquent, mais ça arrive. Je me souviens d’une dame ; à peine était-elle entrée que j’ai perçu la densité d’un esprit, une main se matérialiser et taper fortement sur ma table. Je capte tout de suite qu’il s’agit de son mari, mort six ou sept mois auparavant. « Ça commence bien, il est très en colère ! »préviens-je. Je me concentre, il me montre des scènes de lui, assis sur un canapé, saoul, entouré de canettes de bières, gueulant comme un putois, frappant sa femme et ses enfants. Je vois aussi qu’il est mort au volant, brutalement. J’apprends qu’il s’est tué le jour où il a reçu le papier du divorce. Son irritation et son désir de la posséder venaient du fait qu’il refusait qu’elle soit en vie et pas lui. Je ne suis pas dégageur d’âme, mais j’essaie de parler à l’esprit intérieurement, et je conseille aux gens d’en faire autant, dans un état de recueillement qui favorise la connexion.
Vous avez l’air de ne pas capter uniquement des informations, mais des émotions.
L’âme aussi à des sentiments ! Je ne reçois pas que des données visuelles ; dans l’injonction de l’esprit, il peut y avoir de la souffrance, de la joie, de l’amour… C’est ça qui est passionnant ! Lorsque l’esprit a gardé un humour ou une façon de parler savoureuse, cela peut mener à de grands moments de rigolade.
Est-ce toujours aussi enthousiasmant ?
Une séance peut être très fatigante. Si certaines énergies tonifient, d’autres plombent. Entrent en jeu l’atmosphère du lieu, l’énergie des vivants, celle des défunts… Accéder au bon degré vibratoire pour canaliser l’esprit demande beaucoup d’énergie. A la fin, je suis parfois en hypoglycémie ! On peut y laisser la santé… Parfois, je me sens vieux de toute cette souffrance, toutes ces expériences, toutes ces histoires partagées, parfois très intimement.
Vous avez aussi des dons de clairvoyance. Sont-ils vraiment un moyen d’obtenir des réponses, ou du moins des orientations ?
Je sais que les choses que je perçois auront lieu, mais pas comment ni quand. Il y a quelques années, une amie me titillait pour savoir si je voyais quelqu’un dans sa vie. Sa question me provoque un cliché : « Je te vois invitée à une cérémonie, dans une grande propriété, lui dis-je. J’ai l’impression qu’une situation cocasse te rapproche d’un homme : vous avez tous les deux l’air différent des autres. » Je ne comprenais pas ce que ça voulait dire ! Les mois passent. Une copine lui propose de l’accompagner à un mariage. L’événement a lieu dans un château, loué pour l’occasion. Mon amie se pointe : on a oublié de la prévenir qu’il s’agissait d’un mariage costumé ! La seule autre personne a ne pas avoir eu l’information, c’était un jeune homme… Ils sont aujourd’hui les parents d’une charmante adolescente.
Vous vivez parfois des situations embarrassantes ?
Un jour, une très belle femme, très chic, arrive pour une voyance. Dès le début, je distingue nettement un matelas et un lit. Un peu gêné, je tente : « Vous envisagez de changer de literie ? » Réponse négative. Je continue la séance ; je la vois beaucoup bouger, parfois avec des hommes d’affaires, à l’étranger. Mais ce plumard ne cesse de revenir… Elle finit par m’avouer qu’elle est call-girl de luxe !
Avez-vous déjà sauvé des vies ?
Il m’est arrivé de détecter un cancer chez une femme venue pour une voyance. Prenant mon indication au sérieux, elle est allée consulter un spécialiste, alors qu’elle ne souffrait de rien. Le médecin a confirmé qu’elle avait un début de tumeur, prise suffisamment à temps pour être soignée. Idem avec une jeune fille, venue avec ses parents à une séance publique. Un défunt s’est présenté pour eux, me montrant très précisément une noirceur au niveau des ovaires, une opération, la prise d’un traitement. Ces gens m’ont envoyé une lettre magnifique pour me dire que ma vision était exacte et me remercier de les avoir alertés. Mais je n’y suis pour rien : je ne suis qu’un passeur !
Sentez-vous un engouement ?
Les gens sont de plus en plus ouverts. De grands universitaires m’invitent à la Sorbonne pour échanger avec eux, des psychothérapeutes m’envoient des patients lorsqu’ils pensent que mon intervention peut aider… Le public s’intéresse au bien-être, aux soins énergétiques, aux approches transpersonnelles. Attention toutefois à ne pas croire n’importe quoi. Ce ne doit devenir ni une addiction, ni un enfermement. Je connais un monsieur qui voit dans chaque problème relationnel le signe de prétendues possessions, alors qu’il ne s’agit que de psychologie humaine ! La connaissance est importante, mais il faut rester dans une dynamique de recherche et d’échange.
Que vous a apporté votre don de plus positif ?
D’abord un profond éveil intérieur. La surprise de vivre ces phénomènes, puis la curiosité qu’ils ont suscité en moi, m’ont fait grandir. Ressentir des forces d’amour, venues de l’au-delà, m’a fortifié. Exercer en tant que médium me permet aussi de me nourrir de rencontres humaines. Parfois je pleure avec mes clients, submergé par leur émotion ! L’autre jour, un peintre de 80 ans vient me voir pour sa femme défunte. De belles preuves m’apparaissent. Alors que je lui parle, les yeux fermés, le monsieur me prend la main et se met à l’embrasser, comme si c’était celle de son épouse. Il était tout en gratitude, c’était super touchant. Pour moi, il n’y a rien de plus beau que de lire la libération sur un visage, le voir s’illuminer, les yeux pétiller, l’être se rouvrir à la vie, ici et maintenant.
En contact avec l’invisible, Henry Vignaud & Entretien avec Samuel Socquet
InterEditions (2013 ; 192 pages)