Archive pour le 29 juin, 2013

Marie l’Egyptienne

Extraits du livre Marie l’Egyptienne

Nicole Montineri

Marie l'Egyptienne dans MARIE-MADELEINE marie« Sens-tu, Zossima, la totalité du désert lorsqu’aucune pensée ne vient troubler l’esprit ?  Cette sensation amène la joie d’appartenir à l’univers, de participer à sa perpétuelle création. Je sais désormais que je respire dans la lumière toujours présente, mais occultée afin de nous laisser vivre. Ce voile est preuve d’amour, car sans lui, l’énergie nous consumerait immédiatement… Vois-tu l’évidence de ce qui est ? Il n’y a plus Marie et le désert, Zossima et le désert. Le désert est toi, il est moi. Seul l’esprit silencieux peut voir ceci clairement. J’ai fini par le comprendre. Il m’a fallu du temps, le temps du désert, immobile, muet. Au début, je cherchais à entendre le moindre bruit dans ce vide minéral qui m’angoissait. Puis j’ai remarqué que le silence du désert n’était pas différent de mon propre silence dès que je me trouvais dans un état d’écoute intériorisé. Le silence du désert me fit prendre conscience du  silence de mon âme. J’ai compris qu’il émanait de la profondeur de cet abîme qui s’était ouvert à l’intérieur de moi. Le silence est comme un couloir qui vient du centre de l’âme et qui y conduit. Alors, je n’ai plus écouté que l’espace vibrant qui englobe et pénètre tout. J’ai réalisé que le silence était la substance éternelle qui imprègne l’univers, sa matrice et son origine. Il était là aux commencements et ne connaîtrait pas de fin. Chaque chose prit dès lors un sens nouveau. Comment te l’exprimer ? Seule, isolée, je me sentais désormais en contact avec tout ce qui est. Je coulais avec ce flux qui donne la vie, je me fondais dans son océan d’énergie, je ressentais les ondes qui parcourent la surface de la terre. Je ne faisais plus qu’un avec la pierre, le grain de sable, le buisson d’épines, l’insecte, l’étoile. Tous ces niveaux de réalité étaient en moi et leur vibration absorbée me donnait une sensation inouïe de liberté. Je plongeais au plus profond de la terre et  m’étirais au plus haut vers le ciel. J’avais l’impression d’être partout à la fois dans l’espace, voyant de l’intérieur, du cœur où tout converge, à la fois nos existences éphémères et la vie éternelle. De ces visions sortirent une joie et une paix remplies de gratitude… »

Marie tourna les yeux vers Zossima. Son regard transparent contrastait avec son visage noir et parcheminé. 
« Au désert, ma pensée affolée de ne plus avoir d’objet vers quoi se fixer est retournée vers le lieu d’où elle venait, s’y est reposée jusqu’à s’oublier. La femme qui au début cherchait à capter le moindre son s’est dissoute dans le silence. Elle est devenue le silence. Il n’y a plus de Marie. »

     Elle plongea son regard lumineux dans celui du moine : « Zossima, c’est une illusion de croire que chacun d’entre nous est l’auteur de ses actes. On peut l’être temporairement, mais à la fin, c’est toujours l’Intelligence divine qui décide. Il n’y a qu’une seule réalité : la vie éternelle, qui se déroule avec ou sans nous. »

     L’homme, qui s’était toujours considéré comme un personnage religieux d’importance, entendit le message.
     « Dès que je ne me suis plus prise pour la femme qui multipliait autrefois les expériences sexuelles, mais aussi celle qui avait été touchée par la grâce devant la Croix, je n’ai plus ressenti mon isolement comme une menace. La vie et la mort prenaient un tout autre sens. Seul celui qui peut mourir de son vivant se tient confiant dans la nudité, le cœur brûlant d’amour.   Il me semblait que j’étais là depuis toujours et que j’y serais encore à la fin des temps. Je n’avais pas de désir, pas de but, pas de devenir. Ma pensée s’était arrêtée, et avec elle, toute perception de durée. Je vivais dans le présent, dans l’éternité de l’instant, comme dans une prière continue et muette. Vivre ainsi est d’une grande beauté… Toutefois, ce repos de l’esprit n’est pas synonyme d’inertie, l’absorption dans le tréfonds du cœur n’est pas une rêverie, un endormissement. Ce qui s’y révèle est une énergie puissante, en expansion constante, faite d’élans libres, d’intuitions soudaines.

 
     − Au bout de combien d’années es-tu parvenue à demeurer recueillie dans cette perception du silence ? l’interrompit Zossima.
     − Je ne sais pas exactement. J’ai perdu la notion du temps humain. Dès que je suis entrée au désert, j’ai eu l’impression que je pénétrais dans une dimension temporelle nouvelle. Maintenant, le temps ne s’écoule plus ; en m’oubliant, il s’est effacé… 
     − Parce que c’est Dieu qui agit en toi.
     − En cette profondeur, l’expression du cœur qui se repose dans le mystère vivant est le silence même. Ce n’est pas une cessation de toute activité, mais un accord subtil au mouvement intérieur. En écoutant la voix qui me commandait de traverser le Jourdain, j’avais, pour la première fois de mon existence, obéi à une volonté autre que la mienne. C’était mon premier geste d’amour véritable, qui fonda mon retour à la maison, en un cœur réunifié qui ne sépare plus l’acte du repos. Lorsque je suis partie, ce fut sans intention précise, sans aucune idée de ce qui allait se passer. Étrangement, j’agissais comme si ma propre personne n’était pas vraiment concernée par ce départ irréversible. La seule chose qui était claire à mon esprit, c’est que je ne partais pas en quête d’une expérience supplémentaire. Cet appel n’était pas une expérience. 

Je ne cherchais rien de particulier, et en effet, au début, il ne se passa rien ! Je restais des heures, des journées entières, immobile. J’étais juste assise là, ou parfois allongée, le regard offert au ciel. Ce n’était pas de la passivité, plutôt une patience que j’apprenais peu à peu et qui me délivrait lentement du temps. Je réalise maintenant combien j’étais extraordinairement confiante, confiante en cet amour qui transmutait le fond de mon être… Mais alors, quel tumulte dans mon cerveau ! Je ne savais pas laisser le calme s’installer en lui. Je ne cessais de sauter d’une pensée à l’autre, d’une émotion à l’autre. Tout se succédait à un rythme rapide dans ma tête. Pourquoi, alors qu’aucune nécessité ne se présentait ? Je compris que j’avais vécu jusque là dans l’agitation et qu’effacer la longue habitude de me disperser au dehors serait difficile.

Publié dans:MARIE-MADELEINE |on 29 juin, 2013 |Pas de commentaires »

Déraciner la souffrance

Extraits du livre 

Nicole Montinéri

Déraciner la souffrance dans ENERGIES souffranceC’est par la conscience que nous pénétrons au cœur de la vie. C’est elle qui perçoit avec clarté et force, sans juger, sans exiger, sans figer ou tendre vers un but. Il nous faut découvrir cet observateur silencieux de nos pensées, de nos sentiments, de nos tensions, de nos souffrances, et comprendre que c’est l’esprit seul qui bloque ce flux naturel en s’y identifiant au point qu’il ne laisse plus aucun espace. Nous devons permettre à la conscience d’apparaître à chaque mouvement de notre intériorité et d’entrer au cœur de chaque évènement qui se présente. C’est elle qui nous dévoile la réalité et nous fait accéder à ce que la vie a de plus profond. Lorsque nous vivons en pleine conscience le silence du jour qui se lève, souligné par le trille mélodieux d’un merle, nous sommes au cœur de l’absolu. Lorsque nous regardons la beauté simple et reflétons son harmonie, lorsque nous ressentons le lien qui nous unit au cosmos, nous exprimons la vie. Tout ce qui vient à nous est une manifestation de l’énergie pure : nos joies, nos chagrins, nos rencontres, les choses les plus banales, les gestes quotidiens les plus anodins. Tous les phénomènes qui s’offrent à notre regard, à notre écoute, à notre contact, sont l’absolu qui se révèle. Voir ainsi, juste avec la conscience, sans l’interférence des pensées qui parasitent la perception pure, rend la vie plus vivante, moins terne. Tout devient radieux autour de nous, plus expressif, les couleurs des fleurs, les chants des oiseaux…

« Voir ainsi est amour. Tout autre regard reste en surface… », nous dit Krishnamurti. L’amour, c’est l’espace de la vie, silencieux, libre, sans cause et sans but. C’est l’énergie de l’univers, intemporelle, impersonnelle, qui se meut en elle-même, sans direction. Nous l’incarnons lorsque nous épousons le mouvement de la vie, lorsque nous nous abandonnons à sa totalité et offrons à tous ceux que nous côtoyons notre espace de paix. L’amour n’est pas un sentiment envers quelqu’un, encore moins un attachement. Il n’est pas l’expression de l’ego, ne résulte pas d’un processus mental. Nous le rencontrons à chaque seconde de notre existence si nous savons regarder. Il est au creux d’un regard saisi, d’une conversation anodine. Il s’exprime dans chaque petite chose ordinaire, dans la tendresse de nos gestes, dans la patience de notre écoute, dans la douceur de nos paroles, dans la simplicité de notre esprit. Il est dans le respect du chemin de chacun, dans l’attention sensible à la souffrance des autres, dans le soin à un corps affaibli, dans l’acceptation de l’impermanence au cœur des êtres et des choses. 

Il n’y a rien de personnel à vouloir. La vie est son propre but. Elle s’expérimente elle-même lorsqu’elle suscite des occasions, propose des situations, place des évènements sur notre parcours terrestre. Elle se révèle à elle-même là où nous nous trouvons. C’est l’intelligence contenue dans cette énergie universelle qui réalise en nous selon son intention, qui nous porte selon son dessein, sans que nous n’ayons rien de particulier à faire, si ce n’est calmer notre vacarme mental. Nous sommes si ignorants que nous croyons que nous avons le pouvoir de programmer notre existence ! Nous ne nous posons jamais la question : qu’est-ce que la vie attend de moi pour pouvoir se réaliser ? Non, nous nous disons : je veux faire ceci de ma vie.

Mais tout peut arriver… et arrive !

Publié dans:ENERGIES, GUERISON |on 29 juin, 2013 |Pas de commentaires »

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