L’OBSESSION
Certaines personnes déplorent qu’il y ait de mauvais Esprits. Ce n’est pas en effet sans un certain désenchantement qu’on trouve la perversité dans ce monde où l’on aimerait à ne rencontrer que des êtres parfaits. Puisque les choses sont ainsi, nous n’y pouvons rien : il faut les prendre telles qu’elles sont. C’est notre propre infériorité qui fait que les Esprits imparfaits pullulent autour de nous ; les choses changeront quand nous serons meilleurs, ainsi que cela a lieu dans les mondes plus avancés. En attendant, et tandis que nous sommes encore dans les bas-fonds de l’univers moral, nous sommes avertis : c’est à nous de nous tenir sur nos gardes et de ne pas accepter, sans contrôle, tout ce que l’on nous dit. L’expérience, en nous éclairant, doit nous rendre circonspects. Voir et comprendre le mal est un moyen de s’en préserver. N’y aurait-il pas cent fois plus de danger à se faire illusion sur la nature des êtres invisibles qui nous entourent ? Il en est de même ici-bas, où nous sommes chaque jour exposés à la malveillance et aux suggestions perfides : ce sont autant d’épreuves auxquelles notre raison, notre conscience et notre jugement nous donnent les moyens de résister. Plus la lutte aura été difficile, plus le mérite du succès sera grand : « A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. »
Ce ne sont pas les médiums qui ont créé les Esprits, ceux-ci existent de tout temps, et de tout temps ils ont exercé leur influence salutaire ou pernicieuse sur les hommes. Il n’est donc pas besoin d’être médium pour cela. La faculté médianimique n’est pour eux qu’un moyen de se manifester ; à défaut de cette faculté ils le font de mille autres manières. Si ce jeune homme n’eût pas été médium, il n’en aurait pas moins été sous l’influence de ce mauvais Esprit qui lui aurait sans doute fait commettre des extravagances que l’on eût attribuées à toute autre cause. Heureusement pour lui, sa faculté de médium permettant à l’Esprit de se communiquer par des paroles, c’est par ses paroles que l’Esprit s’est trahi ; elles ont permis de connaître la cause d’un mal qui eût pu avoir pour lui des conséquences funestes, et que nous avons détruit, comme on l’a vu, par des moyens bien simples, bien rationnels, et sans exorcisme. La faculté médianimique a permis de voir l’ennemi, si on peut s’exprimer ainsi, face à face et de le combattre avec ses propres armes. On peut donc dire avec une entière certitude, que c’est elle qui l’a sauvé ; quant à nous, nous n’avons été que les médecins, qui, ayant jugé la cause du mal, avons appliqué le remède. Ce serait une grave erreur de croire que les Esprits n’exercent leur influence que par des communications écrites ou verbales ; cette influence est de tous les instants, et ceux qui ne croient pas aux Esprits y sont exposés comme les autres, y sont même plus exposés que d’autres, parce qu’ils n’ont pas de contre-poids. A combien d’actes n’est-on pas poussé pour son malheur, et que l’on eût évités si l’on avait eu un moyen de s’éclairer ! Les plus incrédules ne croient pas être si vrais quand ils disent d’un homme qui se fourvoie avec obstination : C’est son mauvais génie qui le pousse à sa perte.
Extraits des revues spirites de 1858 à 1868
ALLAN KARDEC