Prophéties du Moyen âge 3ème partie
évoquant Napoléon, l’Antéchrist
ou encore Jeanne d’Arc ?
(D’après « Folk-Lore » (par le comte de Puymaigre), paru en 1885)
par LA RÉDACTION
Quand Charles VIII entreprit la guerre d’Italie et laissa entrevoir de plus vastes projets, on crut à la réalisation de la prédiction, et ce fut alors que parut la Prophétie du roy Charles, huitième de ce nom, ensemble l’exercice d’icelle par maistre Guilloche de Bourdeaux. On y lisait :
Il fera de si grandes batailles
Qu’il subjuguera les Ytailles ;
Ce fait, d’ilec il s’en ira
Et passera de là la mer,
Entrera par dedans la Grèce
Où par sa vaillante prouesse
Sera nommé le roi des Grecs ;
En Jérusalem entrera
Et mont Olivet montera.
Savonarole, qui se piquait d’avoir la révélation de l’avenir, annonça de son côté que Charles VIII était l’instrument à qui Dieu confiait le soin de châtier les tyrans d’Italie, et Paul Jove résuma, en semblant y ajouter grande foi, les prophéties relatives à l’Orient et à la mission d’un roi de France-dans ces contrées.
Ces prédictions étaient bien antérieures à La Rochetaillade. J.-B. Spagnuoli, connu sous le nom de Mantuanus, rappelle dans ses Fastes chrétiens une prophétie de Saint-Ange, connue au treizième siècle, annonçant qu’un roi de France purgerait l’univers des Turcs – on peut lire cette prophétie dans les Voix prophétiques de l’abbé Curicque, tome II – et Albéric de Trois-Fontaines rapporte, sous la date 1220, qu’après la prise de Damiette on trouva dans une mosquée une inscription en chaldéen portant qu’il sortirait de l’Orient un roi du nom de David, qu’il unirait ses efforts à ceux d’un roi d’Occident et que tous deux chasseraient les Turcs de Jérusalem. Diverses prophéties connues de ces derniers relatent les mêmes faits. Une porte de Constantinople portait, dit-on, cette inscription : « Quand viendra le roi blond je m’ouvrirai de moi-même. » Au XIXe siècle, nous lisons dans Curiosités des traditions que « les Turcs croient fermement que la porte d’Or livrera un jour passage aux chrétiens, qui doivent, comme ils en sont persuadés, finir par reconquérir la ville. »
D’après L’Oracle de Dujardin, ce serait dans saint Augustin qu’on trouverait la plus ancienne trace de la mission qu’un roi de France doit remplir en Orient : on lit dans le traité de Antichristo : « Quelques-uns même de nos docteurs disent qu’un roi des Francs possédera l’empire romain dans toute son étendue. Ce roi viendra dans les derniers temps du monde. Il sera le plus grand et le dernier de tous les rois. Après avoir heureusement gouverné son royaume, il viendra, à Jérusalem, et déposera sur le mont des Oliviers son sceptre et sa couronne. Ce sera la fin et la consommation de l’empire des Romains et des chrétiens : Quidam vero doctores nostri dicunt quod unus ex regibus Francorum romanum imperium ex integro tenebit, qui in novissimo tempore erit, et ipse erit maximus et omnium regum ultimus, qui postquam regnum suum feliciter gubernaverit, ad ultimum Ierosolymam veniet et in monte Oliveti sceptrum et coronam suam deponet : hic erit finis et consummatio romanorum christianorumque imperii. »
Saint Augustin vivant au cinquième siècle, à une époque où la France n’existait pas, où de crédules historiens ont à peine osé placer l’existence du très douteux Pharamond, si ces lignes étaient de l’auteur de la Cité de Dieu, elles seraient certainement la plus antique prédiction relative aux destins de l’Orient. Mais ce n’est pas saint Augustin qui a rapporté cette prophétie ; le traité de Antichristo est ou d’Alcuin, ou plus probablement d’Adron, abbé de Saint-Dizier, mort en 962.
Après avoir cru que Louis XI et que Charles VIII réaliseraient cette prédiction, on ne se découragea pas. On s’imagina que l’honneur de l’accomplir était réservé à Louis XIII, puis à Louis XIV. Jean Desmarest, académicien, auteur du poème de Clovis, si maltraité par Boileau, et de plus visionnaire, dans son Avis du Saint-Esprit au roi, promettait à Louis XIV qu’il triompherait des Sarrasins avec l’aide des chevaliers de l’infaillibilité du Pape. Claude de Comiers, dans son livre De la nature et présage des comètes, se prononçait de la même manière et ajoutait : « Nous devons espérer que l’année prochaine 1666 notre grand monarque jettera les premiers fondements de cet empire universel. »
D’après d’autres révélations, les vainqueurs de l’Orient seraient les Russes. Gibbon, à propos d’expéditions tentées au onzième siècle par ce peuple contre Constantinople, n’a pas dédaigné de parler de cette croyance. « Le souvenir de ces flottes arctiques qui semblaient descendre du cercle polaire, laissa dans la cité impériale une profonde impression de terreur. Le vulgaire de tous les rangs assurait et croyait qu’une statue équestre qu’on voyait dans la place du Taurus, portait une inscription annonçant que les Russes, dans les derniers temps, deviendraient les maîtres de Constantinople. » (Cité par Dujardin dans L’Oracle)
Enfin la prédiction dont nous venons de nous occuper fut aussi, grâce à quelques altérations, appliquée à Charles-Quint. Celui-ci aspirait à la monarchie universelle et croyait qu’elle lui était promise par les prophéties. Il avait en elles une grande confiance et elles le décidèrent à entreprendre plus d’une guerre, nous révèle Pierre Massé dans De l’Imposture et tromperie des diables, devins, enchanteurs, sorciers, etc. (1579). Martin du Bellay a parlé de cette crédulité : « Ceste année (1536), dit-il dans ses mémoires, fut un grand et merveilleux cours de prophéties et prognosticions qui toutes promettoient à l’empereur heureux et grand succès et accroissement de fortune et quand plus il adioustoit de foy, de tant plus en faisoit l’on semer de nouvelles : et proprement sembloit à lire tout ce qui en espandoit çà et là, que le dit seigneur empereur fut en ce monde nay pour impérer et commander à Fortune. »
En France ces mêmes révélations produisirent une certaine terreur, non toutefois dans l’esprit de François Ier. Il se montra « constant à mespriser et contemner cette manière de superstitieuse et abusive prophétie. »
