par Max-Emilien Robichaud
La mort d’un proche peut-elle servir notre vie?
Comment renaître à la vie ?
Quelle questions me direz-vous? Et pourtant la mort fait bien partie intégrante de notre vie et elle semble bien un passage obligé. Oui bien sûr, si elle n’a pas encore frappé à notre porte, pour nos proches et amis, elle ne figure peut-être pas encore à notre agenda ou dans nos cogitations quotidiennes. Mais nous connaissons peut-être quelqu’un qui vit ou a vécu cette situation. Et alors comment négocions-nous ce tournant avec ces gens? J’ai vécu comme beaucoup, comme vous peut-être de ces pertes significatives notamment un frère bien aimé récemment. J’ai par ailleurs eu la chance de pouvoir m’en dégager complètement comme plusieurs autres notamment mes clients avec certaines exercices, certaines techniques dont la Mort Consciente.
Et si nous connaissons ou avons nous mêmes vécu cette trame de vie, comment cela se passe-t-il? Cette chronique aborde le processus de deuil pour soi et les autres qui en sont affligés, suite à ma propre expérience en cela et à celles de d’autres. Elle invite à vos propres réflexions et réactions. Quant à moi, elle sert bien sûr mon propre processus de deuil et j’espère qu’elle saura vous inspirer.
En effet mon frère Omer est décédé récemment et je suis allé dans ma famille pour effectuer ce passage. Je rends hommage à tous ceux qui l’ont si bien accompagné, en particulier bien sûr sa femme Nora et ses enfants.
Ses derniers mots à sa famille
Permettez-moi de vous partager dès lors les dernières pensées imprimées au verso de sa carte hommage qui m’ont touché droit au cœur. Bien que choisies par son épouse, elles lui vont comme un gant et parlent si bien de lui. Vous m’en direz tant:
« Au revoir chère épouse que j’ai tant aimée. Et vous enfants de ma tendresse, adieu. Adieu maman, adieu ma petite fille, mes frères et mes sœurs. J’ai lutté très fort pour rester avec vous. Mais Dieu me voulait près de lui. Ne me pleurez pas car je suis finalement soulagé de mes souffrances. Laissez les souvenirs apaiser votre douleur. Même si vous ne pouvez me voir ni me toucher, je suis là. Je ne suis pas loin. Ce n’est qu’un au revoir jusqu’au jour où vous viendrez me rejoindre. »
Je garde près de moi ces paroles si précieuses et tellement touchantes qui parlent si bien de ce frère bien aimé. Peut-être avez-vous un proche ou un ami dont vous chérissez la mémoire; je vous souhaite de jouir d’un tel souvenir. Je pense à tous ceux et celles qui vivent ou qui ont vécu un tel départ. La mort arrive parfois sans s’annoncer et d’autres fois comme dans ce cas-ci après une longue maladie.
Le choc de la nouvelle
Imaginez recevoir la visite d’un policier, d’un militaire vous annonçant la mort d’un proche, d’un être cher. Peut-être que pour le commun des mortels il s’agirait plutôt ici d’un coup de téléphone. C’est bien ce que j’ai vécu déjà trois fois dans ma vie pour l’aîné de la famille, mon père et plus récemment pour cet autre de mes frère, Omer celui-ci.
Ce n’est jamais facile à vivre et tant que nous sommes bien humains, les émotions montent vite, sinon tout de suite, du moins dans les minutes ou les heures à venir. Oui, il y a d’abord le choc de la nouvelle, surtout, s’il s’agit d’un accident, d’un suicide ou d’un homicide bien sûr.
Allo, me dit mon autre frère Norbert, Omer est décédé ce matin mercredi 13 octobre 2010 à 10h00 et tout le reste pour conclure il ajoute : je te reviendrai pour la suite des choses, comme on le sait très bien. Sur le coup, j’ai tout encaissé sans trop réagir, ni mot dire, sinon merci de m’avoir avisé. Je raccroche et déjà l’émotion m’envahit et comment me dis-je, ce frère si précieux que j’ai côtoyé, n’est plus!
Je lui avais rendu visite deux mois auparavant et je prévoyais le revisiter deux mois plus tard en novembre car je le savais bien malade. Mais la mort a cogné à sa porte sans attendre ma planification. En fait, la mort ne cogne même pas à la porte. Non, elle l’enfonce en quelque sorte et se moque bien du protocole ou de toute autre bienséance par ailleurs; enfin, d’un certain point de vue du moins. Car, sauf une morte subite, le corps annonce peu à peu cette échéance qui reste tout de même saisissante pour tous. Mais peut-on s’y préparer de quelque façon que ce soit?
J’imagine que la femme de mon frère Omer, Nora et ses enfants voyaient plus que nous, frères et sœurs, venir la fin car ils l’accompagnaient au quotidien. Quelle dose de courage ils ont fait montre, Nora en particulier.
La distance, le temps de se rendre
Ce qui ajoute souvent à la douleur, c’est ne pas pouvoir se rendre au chevet du malade, à l’hôpital par exemple ; c’est ici pour moi une répétition du même scénario comme pour les deux derniers disparus de ma famille. Serait-ce le prix à payer pour vivre loin, très loin de sa famille? Peut-être, sans doute. J’envie parfois mes frères et sœurs qui l’ont accompagné jusqu’à son dernier souffle. Mais encore là, ce n’est peut-être là que l’herbe plus verte du voisin. Je sais bien que ce peut être plutôt très difficile, épuisant et souffrant de voir et d’accompagner un être cher avec ses grandes douleurs, même avec les drogues disponibles aujourd’hui. Par ailleurs, je sentais moi, mon frère souffrir à distance et j’aurais préféré, tout compte fait, l’accompagner avec les autres.
Heureusement, un des mes frères m’a permis de lui dire mes mots d’adieu par son cellulaire qu’il a rapproché de son oreille. Il ne parlait plus déjà mais je suis certain qu’il avait encore sa conscience comme lorsque ma mère, malade, lui a parlé aussi de la même façon. J’ai trouvé les mots car ils me sont venus sans effort. J’en appelais surtout à son esprit, à son âme de bien me recevoir. Il faut dire qu’il avait demandé à parler à toute la famille et même cherché de sa femme et ses enfants la permission de s’en aller; ce qui lui a été certes accordé quoique dans les larmes.
Les dernières paroles
Cher Omer, que je lui ai dit, je ne sais pas si tu m’entends et j’en appelle à ton esprit et à ton âme pour recevoir mes dernières paroles. Je fais des mains et des pieds pour me rendre près de toi mais, pars, si tu dois nous quitter maintenant. Je ne veux certes pas prolonger tes grandes souffrances. Je t’accompagne jour et nuit depuis vendredi et peut-être que cela peut t’aider à aller vers la lumière avec amour et sérénité. Vas-y pour ton bien et suis ton chemin vers ce paradis qui sera le tien. Tu resteras dans mes pensées et mes prières pour toujours. Peut-être pourras-tu rejoindre et contacter notre frère aîné Ronald et notre père Dosithé d’où tu seras.
Je remercie Omer, mais aussi Norbert qui a tenu son cellulaire près de son oreille. Quel cadeau pour moi de lui parler ainsi à distance. Quelle belle initiative! Merci Omer, Norbert et la vie tout de même.
Oui les derniers moments sont tellement importants dans le processus de deuil. Je me sui rendu par la suite pour le service avec toute la famille comme je l’ai fait pour les autres. Le deuil doit idéalement se vivre en famille et en relation. Entre temps, il importe d’annoncer la nouvelle à son entourage familial immédiat, amis et aussi au travail.
Les condoléances et les sympathies
Les gens sont ainsi interpelés par une expérience commune et connue et ils sont très heureux de témoigner leurs sympathies; un téléphone, un texto, un courriel, un seul mot et même une tape sur l’épaule et peut-être même un « hug »ou une étreinte font tellement de bien. J’en suis tellement reconnaissant mais il faut aussi savoir le demander. J’ai ainsi rejoint par courriel une bonne cinquantaine de gens qui m’ont si gentiment répondu : amis, connaissances mais aussi membres de la grande famille Toastsmasters et également ceux et celles que j’ai accompagnés dans un cheminement spirituel au cours des ans.
Il faut certes s’attendre à une certaine réserve de ceux et de celles qui sont plus ou moins proches de soi et c’est dans la normale des choses. Aussi, peu de gens sont à l’aise avec la mort et j’en étais auparavant avant de devenir thérapeute. Je me rappelle en particulier le décès d’un patron que j’aimais beaucoup et que je n’ai même pas pu visiter durant ses derniers moments. Je m’en sentais totalement incapable de le voir amaigri par son cancer. Je peux très bien comprendre cette difficulté car je l’ai moi-même vécue. Mais il importe de le reconnaître et aussi de le dire.
L’importance des rituels
Peu importe les traditions et selon les cultures et les religions, les rituels de fin de vie s’avèrent très importants et généralement pour tous. Nous vivons, n’est-ce pas en relation et en société, notre vie et notre fin doivent en être empreintes. Je me souviens, plus jeune, comme j’ai pu juger ces derniers moments de salon funéraire. Mais, par la suite, avec les expériences de décès, j’en ai réalisé toute leur utilité et tous leurs bienfaits pour les proches comme pour tous les autres.
Il importe de consacrer un espace, un lieu, un temps et un certain cadre pour dire, nommer et laisser sortir les sentiments, les émotions et tout ce qui doit être témoigné de cette expérience intensément humaine. Il y va d’un deuil réussi sinon avorté qui va de toute façon se remontrer la face un jour ou l’autre.
Quant à moi, j’en ai profité pour écrire un texte que j’ai livré devant des confrères Toastmasters, des membres de cette organisation du même nom, vouée à la communication et au leadership. Quel bienfait pour moi car j’ai senti que cette énergie enregistrée de cette mort se transformer en moi et devenir de plus en plus positive et génératrice de bien-être. J’ai aussi écrit un hommage sur le site du salon funéraire qui m’a fait grand bien. Je veux de plus écrire un poème en hommage à ce frère disparu du moins physiquement de ma vie et de celle de ma famille que je veux livrer devant les miens. D’autres vont peut-être écrire une lettre, un page de leur journal personnel, chanter, danser, dessiner, sculpter, jouer de musique, etc. Peu importe le médium choisi, une telle action permet d’exorciser ce qui nous contracte dans ce processus qui, s’il est bien vécu, peut ainsi devenir une ode, un hommage à la vie. Quant à moi, j’ai utilisé aussi l’exercice de la Mort Consciente, une technique de visualisation et d’imagerie simple et très efficace pour dégager les pensées, les émotions, les liens et expériences difficiles reliés à une telle perte significative.
Les pleurs, un exutoire nécessaire. Le processus de mort consciente!
Je ne connais guère d’humains qui ne pleurent pas leurs proches. Il semble bien que ce passage soit aussi généralement obligé. Le corps, le cœur, l’esprit ont semble-t-il besoin de cet exutoire et de ce moyen d’évacuation et de libération. Libération certes nettement physique mais certes aussi émotionnelle, mentale et même énergétique. En effet une telle expérience si intense provoque de fortes tensions autant physiques que psychiques et tout notre être cherche à les dégager le plus vite possible pour revenir à un état soi-disant normal, du moins plus calme et plus serein. Nous sommes ainsi faits qu’un tout corps étranger autant dans notre œil que dans notre nez ou même dans la cellule, sera automatiquement expulsé, normalement du moins.
Il en est de même de toute situation nouvelle souvent intolérable, du moins nettement inconfortable. Le corps comme la psyché ont le réflexe de se débarrasser, se libérer de tensions. Bien sûr, ils peuvent s’y habituer, s’y acclimater dans une certaine mesure, comme notre système nerveux ne remarquera plus le passage d’un train à proximité après une certaine accoutumance. Mais la mort de nos jours, elle, n’est plus la monnaie courante de certaines époques ou contrées où elle était ou est encore quotidienne, compte tenu des guerres et des épidémies ou plutôt pandémies de nos jours et auparavant.
Oui, il arrive que les gens s’y habituent ou s’y résignent surtout dans les encore trop nombreuses régions du monde affligées par tant de calamités. Ici en Amérique, l’expérience de la Grippe espagnole du début du dernier siècle serait un exemple où de nombreuses familles ont été touchées. Autrement de nos jours et dans notre vie actuelle, la mort constitue un évènement plus espacé et épisodique.
Oui pleurer aide énormément à dégager et à libérer ces tensions. Certains trouvent cet exercice très facile, même trop facile car ils en deviennent vite submergés. Il faut peut-être alors donner comme un rendez-vous à l’émotion en informant sans plus sa psyché de se laisser aller par exemple entre 20h00 et 21h00 ou à tout autre moment propice. Pour d’autres, pour qui pleurer les traumatise, il faut alors y aller par petite dose pour se ménager.
C’est ainsi que j’ai pleuré mon frère en autant que la situation me le permettait et cela devant ma fille et mon fils par exemple. Il faut dire que j’avais déjà évacué à l’avance le trop plein par ce processus de mort consciente; une thérapie simple et facile de simulation de mort consciente pour libérer les attachements et laisser aller. Il s’agit ici de se laisser guider dans une détente physique et mentale et ensuite dans une sorte d’imagerie sur la perte d’un être cher passée ou à venir ou sur toute perte ou tout deuil de la vie. La répétition de ce rituel permet de libérer les attachements, les pensées et les émotions reliées. La beauté de ce processus c’est qu’il transforme les énergies négatives en positives; le sujet replonge dans sa vie avec encore plus de plaisir et de mordant.
De la mort à la vie
Lorsque le deuil est bien vécu, il arrive que cette énergie dite souvent négative et sombre se transforme en force de vie et de transformation. Je l’ai très rapidement ressentie dès l’annonce de la mort de mon frère que je savais si souffrant. Et voilà mon frère Norbert qui me confirme les dates et heures des services funéraires à Moncton et dans notre village natal, Rober ville.
Voici enfin mes mots laissés à mon frère sur le site du salon funéraire:
Cher Omer et bien sûr Nora, Pierre Mathieu, Emmanuelle et André,
Omer, notre dernière rencontre remonte à la mi-août 2010 et je l’ai tellement appréciée et j’en garde un si beau souvenir. Déjà tu nous disais que tu étais tout fin prêt à partir et moi je planifiais de te revoir en novembre mais la vie en a décidé autrement. Je n’ai pas cessé de penser à toi et de prier pour toi et les tiens et ce, jour et nuit depuis que j’ai appris la nouvelle de ton hospitalisation vendredi dernier.
Que j’aurais aimé être à ton chevet comme tous ceux qui t’ont accompagné mais je l’ai fait autrement par le biais de nos esprits et nos âmes. Je te sentais de loin et je sais que tu as eu une bonne pensée pour toute la famille avant de nous quitter. Tu as porté ces maladies depuis si longtemps et pourtant à chaque visite, tu étais toujours si présent, si attentionné, si intéressé à l’autre et ce, en dépit de ton état de santé.
Tu as été, tu es et tu resteras pour moi et certes pour tous ceux qui t’ont connu une référence de courage, de cœur, d’amour et de joie de vivre. Chacun de nous avons vécu notre vie et notre vinaigrette pendant que toi tu vivais la tienne au quotidien, avec ses hauts et ses bas et certes ses contraintes et malaises et hospitalisations. Comme un bon soldat, tu as maintenu la garde haute et suivi ton chemin mais bien qu’entouré tu étais probablement solitaire de ton état. Saches que ton parcours de vie nous reste comme un grand témoignage de force de vie et de courage; tu es de cette trempe d’hommes d’airain forgés d’acier dans sa structure mais avec au centre un cœur des plus tendres et généreux. Je me souviens de nos années d’université et de tes doux égards pour les tiens car tu avais cette belle qualité de compassion pour les autres.
Omer, notre frère bien aimé, reçois tout mon amour et celui de tous les autres. Je te souhaite le plus beau repos du soldat qui a su combattre de toutes ses forces et qui maintenant peut jouir de la quiétude et de la sérénité dans ce paradis que tu espérais sans doute atteindre. Je reconnais en toi cet homme de foi et d’engagement et ce, depuis très longtemps.
Reçois cette récompense si bien méritée et peut-être pourras-tu rejoindre et contacter notre père et notre frère Ronald. Au revoir Omer et je demeure désormais en lien avec toi. Tu as ta place dans mon cœur, mon esprit et mon âme. Je communique désormais tous les jours avec toi comme je le fais d’ailleurs avec Ronald et Dosithé.
Ton frère, Max-Emilien
Conclusion
Oui la mort fait mal quand elle frappe un proche ou un ami d’autant si nous n’y sommes pas préparés et même lorsqu’elle se fait attendre comme dans le cas de mon frère Omer. Nous la savons pourtant dans le voisinage dans les nouvelles quotidiennes mais le plus souvent elle ne reste que dans notre tête; plus rarement elle atteint notre cœur, nos émotions, nos tripes. Cela se produit inévitablement pour un être cher. Là nous devons y faire face et laisser notre corps, notre cœur et notre esprit vivre ce passage certes douloureux. Mais la bonne nouvelle c’est que cette trame de vie peut nous aider à encore mieux poursuivre notre route car nous savons notre vie encore plus précieuse. Oui dans ces circonstances, la mort peut, je crois, servir notre vie et celle des autres.
Vos commentaires, questions, témoignages sont les bienvenus!
Max-Emilien Robichaud,
Centre Osmose : 5800 St-Denis, Suite 403
Courriel: erobichaud@centreosmose.com