La pêche aux vies antérieures
L’exploration du subconscient pour en faire émerger les personnages que nous avons vécus jadis est devenue à la mode. En France, le colonel de Rochas avait été un pionnier de la régression hypnotique. Depuis, Morey Bernstein aux États-Unis a eu son heure de gloire en exhumant l’énigmatique Irlandaise Bridey Murphy du passé d’une jeune femme qui avait servi de cobaye à cet hypnotiseur amateur .
Grâce à l’évolution des techniques, on en vient à pratiquer ces retours en arrière, ces « anamnèses », par des moyens plus doux que l’hypnose profonde, apparentés à la sophrologie . La science aidant, certains parlent maintenant de faire passer le cerveau en ondes Thêta (celles du sommeil profond) tout en restant éveillé… Bref, les vies passées sont là, à portée de la main. Il suffit de se baisser, et de fouiller un peu. Une autre technique, signalée à l’attention du public par Denise Desjardins porte le nom de lying, car on la pratique en étant allongé — ce qui est d’ailleurs le cas des autres méthodes. Cependant, elle intervient dans le cadre d’une vie dirigée vers une réelle ascèse spirituelle, inspirée de l’Orient.
Malgré l’extraordinaire succès de ces régressions, où l’on arrive à redécouvrir tout ce qu’on veut, il faut bien s’avouer que toutes ces techniques sont entachées d’un gros défaut qui rend leurs résultats très suspects. Pour résumer les choses : on s’imagine que les souvenirs des vies passées sont là, sous-jacents dans la psyché, et qu’il suffit de l’interroger pour qu’elle réponde. Bien sûr, on choisit des conditions que l’on croit favorables; si ce n’est pas l’hypnose, c’est une bonne relaxation ouvrant à un état subliminal de conscience où la volonté n’agit plus, le mental cesse de ratiociner. On fait monter les impressions des profondeurs, on laisse revivre les émotions. Privée de ses attributs proprement humains — volonté et réflexion — la machine psychique est un animal bien vivant, extrêmement dynamique et sensible. L’opérateur — le dompteur ? — le sollicite pour qu’il s’exprime. Et lui sait qu’il s’agit de vies antérieures à découvrir.
La psyché, invitée à parler, en a des choses à dire…
Ian Stevenson, qui a renoncé à l’hypnose pour poursuivre ses enquêtes , exprime son scepticisme : « les personnalités habituellement évoquées au cours de régressions sous hypnose vers une vie antérieure sont… un amalgame de la personnalité courante du sujet, de ce que celui-ci croit qu’on attend de lui, de la vision qu’il se fait de ce qu’aurait dû être sa vie antérieure, et peut-être aussi d’éléments obtenus par voie paranormale ». Cette analyse s’applique bien semble-t-il au cas « Bridey Murphy ». On a retrouvé dans cette histoire échafaudée sous hypnose divers éléments puisés… dans la mémoire oubliée du sujet (qui avait joué une pièce irlandaise dans son enfance, en acquérant l’accent convenable), avec vraisemblablement des ingrédients collectés ici et là, par clairvoyance. Mais pas de Bridey Murphy en Irlande.
C’est un trait remarquable de toutes ces techniques (de l’hypnose au lying) qu’elles stimulent chez le sujet des pouvoirs parapsychologiques (surtout clairvoyance) parfois remarquables qui restent latents habituellement. Pour cette raison même, les récits de vies passées sont aussi peu dignes de foi que les « lectures de vie » faites par un sensitif.
En outre, l’intervention de l’opérateur qui sollicite le sujet pour qu’il parle, en pêchant des réponses, crée un certain climat de contrainte qui engage l’animal psychique à progresser dans la voie des révélations. Dans l’hypnose légère, ou le lying, où l’on cherche à réveiller des impressions profondes, la nature émotionnelle est fortement mise à contribution. L’angoisse est plus souvent l’invitée de ces séances que la béatitude. Les énergies et souvenirs refoulés (de la vie actuelle, bien entendu) s’en donnent à cœur joie. Avec des yeux objectifs, on lit souvent à livre ouvert les problèmes dont souffrent les patients depuis leur enfance, ou leur adolescence. Le plus curieux est que ces tragédies, ces histoires structurées au fil des jours par la psyché soumise à la question, sont attribuées à des vies antérieures par les sujets aussi bien que par les spécialistes de ces méthodes. Et même quand on connaît assez bien le passé psychologique d’un individu , avec ses traumatismes, ses échecs, ses problèmes avec les parents, etc., on finit toujours, comme par miracle, par en retrouver la racine… dans des drames remontant à une existence passée. Il y a des âmes que la fatalité poursuit.
Mais les sujets qui émergent pantelants de ces descentes en enfer sont finalement délivrés de leurs angoisses. On a envie de parler de catharsis psychanalytique
(Extrait de La Réincarnation, Des preuves aux certitudes Éditions Retz 1982) sur le blog de Francesca http://channelconscience.unblog.fr/