Traiter les démons et les reconnaître pour ce qu’ils sont
Milarépa est seul dans son ermitage, soudainement confronté à une horde de démons qui envahissent le ciel, venus pour semer la confusion et le harceler. Après avoir essayé sans succès toutes sortes de stratagèmes pour les chasser et s’en débarrasser, ce n’est que lorsqu’il les accepta avec compassion et finalement les reconnut complètement, qu’il dépassa ses peurs, son refus et les luttes qu’ils induisaient. Il vit alors le caractère illusoire de ces entités, ses projections qu’il solidifiait par ses fixations et ses attachements.
« Vous, les démons et les manifestations du cosmos, n’êtes que de simples illusions de l’esprit… des créations illusoires, des pensées qui attrapent des formes et les considèrent comme réelles… »
La maîtrise des démons par Milarépa est un aspect de la pratique de la méditation en tant que travail sur nos projections et sur nos émotions. Dans la pratique de la méditation, il ne s’agit aucunement d’essayer de fuir ses pensées, ses émotions, son moi ou ses démons ni de lutter contre ceux-ci. Au contraire, on y apprend à développer une relation juste avec eux en offrant à notre esprit un espace suffisant en lequel pourront petit à petit se résorber ses conflits émotionnels.
LA PRATIQUE DE LA MÉDITATION : NON-VIOLENCE FONDAMENTALE
La pratique de la méditation est la pratique de la non-violence fondamentale. En effet, nos pensées, nos émotions se développent dans la mesure même où nous entrons en conflit avec celle-ci. Elles subsistent et se nourrissent de nos réactions, de nos luttes et de toutes les façons dont nous interférons avec elles pour essayer de les neutraliser, de les maîtriser ou de les manipuler. Ces pensées et émotions ont besoin pour subsister de notre attention et de nos réactions. Elles se perpétuent dans la mesure où nous nous y investissons.
La pratique de la méditation consiste donc à défaire et abandonner ces mécanismes réactionnels, autrement dit, à déposséder les pensées et les émotions, en développant vis-à-vis d’elles une relation simple et directe dans laquelle, en cessant de les posséder, elles cessent par là même de nous posséder. Sa technique consiste à ramener les émotions et les pensées au niveau de simples phénomènes mentaux. Habituellement, nous les jugeons, nous les catégorisons et nous réagissons, attirant les positives, les divines et rejetant les négatives, démoniaques. On cherche à entretenir les « nobles » et condamner les « ignobles » et tous ces aspects lumineux ou obscurs, blancs ou noirs sont, à un certain niveau, nos dieux et nos démons intérieurs ou extérieurs.
Comme pensées et émotions, ils sont nos objets intérieurs ; comme projections, nous en faisons aussi l’expérience comme objets extérieurs. Plutôt que de lutter pour les uns contre les autres, la pratique de la méditation nous enseigne cette attitude de non-lutte, de non-violence et de simplicité dans laquelle sans juger ni catégoriser pensées, émotions ou projections, on les ramène toutes à ce qu’elles sont fondamentalement : de simples processus mentaux, de simples projections, de simples pensées.
(Revue Itinérance. No 2. Novembre 1986) Lama Denis Teundroup
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