L’HISTOIRE DE LA REINCARNATION
À la fin de ce XXe siècle, qui a vu la remise en question de tant de certitudes, la réincarnation est passée à l’ordre du jour. Il est bien loin le temps où, objet de curiosité et de discussion dans les cercles éclairés, elle nourrissait la pensée de quelques généreux utopistes français cherchant, dans ce qu’ils appelaient alors la palingénésie, individuelle ou sociale, les voies d’une future rédemption de l’humanité.
Un quart de siècle environ a suffi pour que l’idée de la réincarnation prenne son essor et se répande en Occident, d’une manière timide et insensible, tout d’abord, au sortir de la seconde guerre mondiale, puis à un rythme de plus en plus rapide, au point de devenir un sujet courant de débat et de réflexion : certains échanges organisés à la radio soulignent bien l’intérêt suscité par la réincarnation dans les couches les plus diverses de la société.
Même si généralement le public n’a pas une idée bien claire des choses, sous l’angle philosophique et métaphysique, la simple perspective de revenir ici-bas, de revivre dans ce monde afin de pouvoir une fois encore, dans un corps à nouveau jeune et bien vivant, respirer l’air chargé du parfum des fleurs terrestres, a quelque chose de réconfortant et même de fascinant dans notre existence où, de toutes parts, la mort semble guetter pour nous ôter la vie à l’heure fixée et nous faire basculer dans l’inconnu.
Tandis que la réincarnation suscite chaque jour de nouveaux adeptes, qui s’efforcent de la faire connaître et d’en fournir des preuves indiscutables, par les voies les plus variées, la mort elle-même est en train de changer de visage : objet d’horreur pour nos ancêtres, sujet encombrant, elle est pressée maintenant de toutes parts par des chercheurs d’écoles diverses qui s’efforcent de sonder ses mystères. Tandis que les cliniciens luttent souvent avec succès pour ranimer ou maintenir en vie des victimes potentielles, d’autres praticiens, se mettant à l’écoute des mourants, ou des réanimés, mènent leurs patientes enquêtes pour surprendre les secrets du Grand Passage. La survivance personnelle de l’« âme » humaine est apparue progressivement à notre monde matérialiste comme une possibilité sérieuse, voire même, pour certains, comme un véritable dogme.
À l’heure de la science expérimentale, ces idées nouvelles, attestées par un vécu qui semble parfois criant de vérité, deviennent crédibles; elles ont un impact profond sur le public, impressionné par les preuves de plus en plus nombreuses qui paraissent s’offrir aux pionniers modernes. Ces derniers ne sont d’ailleurs plus de nos jours des philosophes ni des religieux mais des médecins, des psychologues, des parapsychologues, ou des adeptes de telle ou telle école de yoga : on se souvient de l’effet de bombe produit par la parution du livre du Dr Moody, La Vie après la Vie, présenté au public français en 1977 (Éd. Laffont). Toute innovation introduite dans les habitudes de pensée d’une société s’accompagne invariablement d’une réaction de défense de la couche conservatrice de la collectivité; aussi, malgré certains aspects fort séduisants, réincarnation et survivance de l’âme n’entrent-elles pas en triomphatrices dans le mental occidental ; elles y suscitent même de vives réactions, qui sont d’ailleurs révélatrices de la psychologie humaine à de nombreux niveaux.
Souvent, en effet, ceux-là mêmes qui devraient se réjouir de l’arrivée d’idées neuves dans le champ de la pensée, pour en tirer le meilleur parti en ajustant leur position en face de ces idées, ou pour prouver la vitalité de leur propre vision, se contentent d’opposer une fin de non-recevoir, un refus en bloc, sur la base d’arguments qui, finalement, n’ont rien de très convaincant.
À ce propos, il est très instructif d’analyser les réactions indignées des corps constitués, avec leurs porte-parole autorisés — tant dans le domaine religieux que scientifique — lors de la publication de l’enquête du Dr Moody. Bien que la réincarnation puisse paraître moins inquiétante que l’hypothèse de la survivance — qui lance un défi immédiat à la civilisation matérialiste — elle peut être souvent ressentie comme un danger plus insidieux, comme un défi à la Tradition occidentale chrétienne qui s’est perpétuée pendant deux millénaires en l’ignorant presque complètement.
Toutes les réactions créées par ces idées nouvelles n’empêchent pas leur progrès : on dirait même qu’elles le stimulent. On ne peut vraiment plus revenir en arrière et, de nos jours, l’impression s’affirme que la réincarnation s’est imposée à l’Occident comme une question à résoudre ; peut-être même comme un problème majeur dont l’humanité devra trouver la réponse alors qu’elle ignorait encore son existence il y a seulement 30 ans.
(Extrait de La Réincarnation, Des preuves aux certitudes Éditions Retz 1982)
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