L’Accès aux autres mondes
Savoir demander à la nature sa force quand elle peut vous la donner, pendant sa période faste, de l’éveil à la floraison, de la fin mars à la mi-août, et même durant la rémission glorieuse de septembre, jusqu’à ce que la mort nécessaire reprenne ses droits en ce deuxième jour de novembre où la terre à son tour semble s’endeuiller et entre à nouveau en sommeil.
Ne pas craindre le contact : mettre sa peau contre l’écorce du chêne ou du frêne, selon l’affinité ressentie. Percevoir leur vibration profonde, s’abandonner à l’apaisement qui alors envahit, se soumettre à l’alchimie de la sève qui vous accorde aux rythmes de l’univers et vous relie à ses différents règnes. Mariez-vous à votre arbre favori. Marchez pieds nus. Que les forces bienfaisantes du sol pénètrent en vous par les chakras plantaires. Laissez-vous enterrer avec, à hauteur du visage, une simple grille de branchages pour vous permettre de respirer. Qu’en ces noces, où vie et mort semblent s’unir, en ce lieu d’obscur échange, la terre vous charge de ses énergies mères, d’où mystérieusement sourd le végétal, que ce rite soit signe d’amitié, d’alliance, reconnaissance de ce que le corps en reçoit chaque jour.
Mettez-vous à l’écoute du vent, des sources, de la pluie qui nous vient du ciel, rafale, crépitement, ou murmure, douceur où respire l’âme, quand elle court sur des lits de gravier ou de sable, et de ces présences insoupçonnées qu’il faut apprendre à percevoir.
Nous touchons là au point central de l’enseignement de Mario, affiner ses perceptions pour acquérir la vue éthérique et voir dans l’astral.
Si le bas-astral, l’égout de l’univers, est le lieu des pires rencontres avec les entités inférieures, les morts, les larves, en quête d’un corps à parasiter, et qui se logent dans le bas-ventre, le foie et le système cérébro-spinal, dès que l’on se trouve assez protégé, assez purifié, bref assez fort pour franchir ce seuil, les élémentaux se montrent, puis les esprits de la forêt.
La nuit, à la pleine lune ou parfois par temps obscur, quand les yeux se sont habitués à la pénombre, on les perçoit, brouillards légers, substances transparentes, subtiles, déployées en écharpes qui se déroulent et prennent forme, éclairant les ténèbres du sous-bois.
« Il faut apprendre à les distinguer, je n’invente rien », explique Mario en me tendant une photo de gnome vu de dos, petite taille, bonnet pointu, s’appuyant d’un bras à un tronc d’arbre. « Celle-ci est très nette, mais en voici une autre, banale à première vue. Pourtant dans la grisaille des taillis, s’inscrit la forme immense d’un chaman sibérien. Regardez le ciel avec attention. Vous y verrez des visages, des profils se détacher sur ce fond neutre. Nous ne sommes jamais seuls. »
Mario a sorti ses richesses, les parfums astrologiques de la Lune, du Soleil, de Vénus, pour attirer les gnomes, une cage à esprits, sa canne de chaman, et un bandeau dont il se ceint la tête quand il travaille en forêt, exécuté d’après un modèle qui lui fut révélé en rêve.
Parfois, à quelques élus, apparaissent, resplendissantes, nimbées de lumière, les fées. Mario a de telles rencontres. Elles le laissent pour de longs jours ébloui, comblé, elles l’inspirent. Heureux, il tente de les reproduire sur ses toiles. Curieusement, sa peinture s’apparente à celle de la communauté de Saint-Soleil en Haïti que le réalisateur de télévision Jean-Marie Drot a récemment révélée au grand public dans ses Carnets de voyage de Malraux. Les mêmes regards brûlent ces visages étranges, surgis de quel inconnu, captés à quelle source ? Nulle naïveté, quoi qu’on en puisse dire, et Malraux fut le premier à le reconnaître, mais une présence indéfinissable, qui fascine, trouble et inquiète, et relève sans doute du même ordre de réalité.
D’autres que Mario accèdent à cet autre monde, telle cette jeune femme, Maja. « Elle est complètement occulte, me dit Mario. Elle sent les ambiances, les lieux, voit les auras. Elle a toujours été comme ça. »
Extrait de : Être sorcier, c’est une façon de regarder le monde.de
Mario Mercier