N’ayez pas peur du Noir
Alors que nous célébrons la deuxième récolte de Mabon et sentons l’air se rafraichir, nous commençons à peine à réaliser que l’été disparaît lentement pour laisser place à la saison sombre de l’année. Pour certains d’entre nous, c’est le temps de l’euphorie, où nous dansons à Samain avec la vraie nature de l’obscurité et nous nous préparons à vivre ce cadeau que représentent les fêtes de fin d’année quelques semaines plus tard. Ceux qui aiment les sports d’hiver et autres activités par temps froid passent à la vitesse supérieure et entrent dans un rythme effréné d’activités diverses.
Cependant, pour beaucoup, la saison sombre de l’année représente un défi, non seulement pour les païens, mais aussi pour la société en général. En cette période de l’année, la détresse est si répandue que nous avons fini par légitimer les maladies et troubles actuels, tels que la dépression saisonnière, liée au manque de lumière survenant pendant les mois d’hiver. Les taux de suicide augmentent, particulièrement pendant les fêtes. Le stress lié aux attentes explicites et implicites, conjugué à la frustration face à des objectifs non atteints, peut davantage nous entraîner vers l’obscurité que vers la lumière. Même l’optimisme se dégageant des bonnes résolutions de Nouvel An est généralement de courte durée, et apporte sa propre contribution à cette période de désarroi dont peut s’imprégner un moment de l’année qui n’est objectivement pas plus sinistre que son homologue estival. Nous, peuple magique, résistons souvent, et ce à juste titre, à la tendance à diaboliser l’obscurité et à la confondre avec le mal. Même les enfants ont souvent une peur innée de l’obscurité.
Dans beaucoup de grandes religions, on entend associer «bon» à la «lumière», et «mauvais» à l’«obscurité». Nous soupirons et exposons la vérité au sujet de la magie «noire» et «blanche». Nous écoutons d’adorables novices expliquer qu’ils s’entourent d’une lumière blanche pour se protéger et chasser l’obscurité, ce qui est efficace certes. Mais cela l’est d’autant plus si l’obscurité est utilisée en tandem, pour sa capacité à effectivement absorber et neutraliser l’énergie négative, plutôt que de simplement la repousser.
Nous brandissons sans crainte le symbole du yin et du yang et sommes pleins de bon sens lorsque nous nous exprimons sur la nécessité et l’égalité des deux énergies, ainsi que sur ce point minuscule provenant de chacune d’elles et résidant dans le cœur de l’autre. Nous expliquons à nos étudiants que, pour marcher dans la lumière, nous devons comprendre l’obscurité, non seulement dans le monde et dans la magie, mais aussi en nous-mêmes. L’obscurité étant même parfois diabolisée par nos propres pratiques, n’est-il pas étonnant que la saison sombre soit un endroit effrayant ? Pendant des milliers d’années, la plupart des sociétés étaient basées sur l’agriculture; les villages s’organisaient autour du cycle des saisons et de la lune.
Ces deux forces célestes indiquaient la période à laquelle il fallait planter, récolter, réformer les troupeaux et, moment tout aussi important, laisser la terre en jachère. Il était peu probable que les difficultés psychologiques auxquelles beaucoup de gens sont actuellement confrontés pendant la saison sombre, surgissaient lorsque nous étions si attentifs aux cycles naturels. A Samain, nos ancêtres honoraient non seulement la mort de ceux qui partaient avant eux, mais aussi la mort de la récolte. On pensait que les cultures laissées dans les champs le 1er Novembre étaient touchées par le Trickster, un esprit malin et farceur, ainsi empoisonnées et impropres à la consommation. Nous savons, et probablement nos ancêtres le savaient tout autant, que les cultures laissées sur pied le 1er Novembre ne sont pas différentes de celles qui s’y trouvaient la veille. Mais nos ancêtres comprenaient aussi que l’homme a besoin de cycles.
De même que nous avons besoin de l’effervescence de la période de récolte, de même, nous avons besoin de calme et d’introspection pendant l’obscurité de l’année. Samain leur donnait une ligne de conduite bien définie, afin de respecter la transition vers la saison sombre. Ils étaient également encouragés à «battre le fer pendant qu’il est encore chaud», en faisant les foins et en s’efforçant de terminer les travaux de récolte tant que le soleil brillait. Samain leur a donné un enseignement; et si nous laissons son influence entrer pleinement dans nos vies, il nous montre quand vient le moment.
Il nous montre la délimitation entre la saison claire et la saison sombre de l’année. Il nous apprend à cesser de vouloir obtenir de l’Univers et à renoncer aux attentes et surtout, à modifier notre définition de la réussite et de la productivité pendant quelques mois. Durant cette période active de récolte, nous travaillons dur. Cela vaut parfois aussi bien pour les authentiques agriculteurs que pour ceux qui ne le sont pas littéralement, mais qui «cultivent» des objectifs dans leur vie et pendant l’année.
Durant la saison claire, les heures d’ensoleillement sont plus longues et le temps est plus clément, de sorte que nous augmentons naturellement nos heures productives et connaissons des périodes de travail actif plus longues. Lorsque les jours raccourcissent, nous pouvons sentir que notre corps a grandement besoin de repos et de calme. Avec la baisse des températures et de la lumière sur cette partie de la terre, même la nature nous conseille de rester à l’intérieur.
Dans cette optique, Il nous enseigne à accepter «ce qui est» et nous encourage à pleurer nos pertes, à admettre que ce que nous avons et qui nous sommes à l’instant pré- sent, est suffisant. Samain nous dit de renoncer à vouloir et convoiter des résultats et de laisser nos champs se reposer pendant un moment, le temps de nous adapter et de nous recentrer.
Malheureusement, la plupart d’entre nous ne menons pas une vie qui puisse accueillir sans difficultés une baisse de la productivité au cours de la saison sombre. Nous occupons en général des emplois exigeant le même résultat en hiver qu’en été. Nous créons un éclairage artificiel pour étendre nos journées de travail durant la nuit. Nous buvons des boissons énergisantes pour rester éveillés plus longtemps et du café pour nous réveiller plus tôt.
Dans de nombreuses sociétés de pays industrialisés, les expressions «allez, allez, allez» et «produire, produire, produire» reflètent ni plus ni moins un comportement considéré comme acceptable pour les adultes. Mon point de vue est qu’il est temps pour nous de redécouvrir l’obscurité et les dons qu’elle nous apporte. Même avec les exigences de la vie moderne auxquelles nous faisons face, nous pouvons apporter des changements subtils afin d’accueillir la saison sombre et de créer une alliance, nous permettant d’en tirer plein avantage. Comme peuvent vous le dire tous ceux qui ont déjà arpenté chaque recoin de leur esprit, l’obscurité a de la valeur et c’est en fait l’endroit où l’on apprend les meilleures leçons.
En tant que peuple magique, il est adroit de nous plonger dans l’obscurité de l’année et de travailler sur sa progression naturelle; mais cela est presque obligatoire. Alors que nous progressons vers la sagesse et développons notre énergie, nous gravitons naturellement ou sommes amenés à explorer complètement la lumière et l’obscurité dans toute leur gloire et tous leurs aspects. Les saisons sont tout simplement une représentation naturelle, fournissant des aspects distincts d’un même décor, dans lequel nous pouvons repousser nos limites et en apprendre davantage sur ces concepts.
Caractérisée par la planification et la contemplation calme : où nous en sommes et où nous voulons être. Tout comme les agriculteurs profitaient de cette période pour planifier les récoltes de l’année suivante, nous pouvons sérieusement évaluer ce qui doit changer dans nos vies et comment nous pouvons devenir de meilleures personnes ainsi que des représentations plus fortes des Dieux et des Déesses sur terre. Nous pouvons arriver à mieux nous connaître, en retirant les masques et les étiquettes que nous portons et en prenant conscience de notre Moi authentique.
Quels que soient les moyens que nous prenons pour rester reliés et en contact avec qui nous sommes réellement, les exigences et les frustrations du monde extérieur vont inévitablement nous distraire de temps en temps. La saison sombre est un moment idéal pour redéfinir qui nous sommes réellement et ce que nous représentons dans ce monde. Comment changeriez-vous votre vie pour honorer et accueillir la saison sombre ? La plupart des païens ont deux méthodes de prédilection de transition énergétique : les rituels, et brûler des choses, de préférence en conjonction l’un avec l’autre.
Notre Moi supérieur répond très favorablement au rituel, car il est un terrain d’entente parfaite pour la communication entre le Moi supérieur et le Moi conscient. Ritualiser la transition entre la saison claire et sombre de l’année permet à notre esprit, corps et âme de reconnaître le changement naturel et de faciliter le changement.
En revanche, ignorer le changement et agir comme si toute l’année avait la même saveur et le même objectif peut totalement détraquer nos processus énergétiques. Concrètement, afin de tirer le meilleur parti de la saison sombre, nous devons tenir compte de ce que nos ancêtres faisaient, car ce message est profondément ancré dans notre ADN et notre conscience collective. Une fois les dernières céréales récoltées et les champs brûlés pour l’année, le travail principal de la récolte s’achevait.
Tout au long du processus de récolte, la nourriture était «entreposée» au moyen de procédés tels que la mise en conserve et le stockage dans les silos. Quand ce travail était terminé, la moisson s’achevait et la vie changeait considérablement. En aucun cas la ferme n’était laissée en veille pour le reste de l’année. Il fallait encore s’occuper des animaux, préparer les repas, faire des réparations; mais l’énergie était orientée vers un autre type de productivité. Les hommes allaient à la chasse pour la viande, en complément de la récolte.
Les femmes ne travaillaient plus dans les champs avec leurs familles, mais s’adonnaient plutôt au tissage et à la création. Étant donné que la lumière diminuait, les gens dormaient plus, se levaient plus tard et allaient au lit plus tôt. Le froid réunissait les familles autour du feu, pour partager des histoires et souvent dormir ensemble pour se tenir chaud. Tout ce processus créait un sentiment de solidarité et renforçait les liens familiaux. C’était un temps où l’on partageait et apprenait les uns des autres.
S’adapter aux conditions naturelles de cette précieuse période de l’année est plus facile que la plupart des gens ne l’imaginent. L’instinct automatique est d’insister sur le fait que tout ce que nous faisons est vraiment essentiel et que nous ne pourrions pas prendre le temps de ralentir. Souvent, c’est notre ego qui parle et cache la réalité. Il y a toujours de la place pour créer une marge de manœuvre, laisser pénétrer le calme et renoncer aux activités inutiles. La première fois que j’ai travaillé sur cette période d’adaptation, j’étais mère célibataire avec quatre enfants et trois emplois, dont l’un était à temps plein. Je correspondais parfaitement à la définition d’une personne surchargée, surmenée, trop stressée, et débordée.
Je cherchais les moindres petits moments où je pouvais être calme. Je m’asseyais même dans les toilettes et respirais, laissant mon esprit ralentir en imaginant que je marchais dans l’obscurité. Quand la nuit, j’allais enfin me coucher, je me mettais en état de méditation, laissant mon esprit s’ouvrir aux leçons de l’obscurité et prenant le temps d’inspirer, d’expirer, et de sentir le calme se propager en moi. Même les plus petits moments de silence mis bout à bout peuvent nous aider à passer vers l’obscurité de manière efficace.
Laissez Samain vous montrer qu’il est temps de :
- Lire des livres
- Passer du temps avec la famille et les amis
- Explorer vos centres d’intérêts créatifs
- Calmer consciemment les pensées et se détendre.
Cela peut souvent devenir tout un processus, car nous ne sommes pas habitués à le faire. – Boire des boissons chaudes et non stimulantes. – Prendre le temps de se reposer et de se remettre du stress de l’année. – Dire «non» aux activités et invitations ne favorisant pas le repos et la paix. Rationaliser votre calendrier et éliminer les activités qui ne sont pas essentielles.
- Écouter et redécouvrir votre musique préférée.
- Nettoyer et dégager votre espace de vie et décorer selon l’énergie de la saison, afin de fournir des repères visuels pour la transition énergétique.
- Vous entourer de symboles évoquant la saison et faisant appel à vos sens, tels que des huiles essentielles et encens, un autel, des aide-mémoires, des changements dans les choix musicaux, des produits frais de saison.
Lorsque vous célébrerez Samain cette année, outre vos autres centres d’intérêt, prenez le temps d’accueillir l’obscurité et les enseignements qu’elle vous apporte. Remerciez la saison claire et tout ce qu’elle vous a donné. Demandez aux Sages de votre choix de vous guider à travers les leçons de l’Obscurité et ouvrez-vous à sa sagesse.
Écrivez sur un bout de papier, un ruban ou des feuilles de maïs ce que vous voulez libérer du passé et brûlez-le afin de vous diriger nu et sans entraves vers la saison sombre. Dites à votre Moi supérieur que de suivre le courant naturel est sans danger, et que vous honorerez le besoin d’entrer dans l’obscurité pour y trouver ce qui est là pour vous. Accordez-vous une période de jachère pendant les six semaines séparant Samain du solstice d’hiver.
N’hésitez pas à rejeter toute activité inutile, allant même jusqu’à informer vos amis proches et la famille que vous avez besoin d’un congé. Faites aussi peu que possible et résistez à l’envie de planifier, de vous préoccuper, ou d’anticiper. Bien sûr, vous avez encore des obligations et vous devez les honorer, mais faites un sérieux bilan de votre investissement en temps et énergie et déterminez ce que vous pouvez réduire. Faites le strict minimum et refusez toute autre activité en surcroît de ce que vous devez déjà absolument faire. Lorsque le solstice d’hiver arrivera, laissez cette étincelle de lumière retourner vers le ciel et enflammer vos objectifs et vos aspirations pour l’année. Ré- fléchissez sur l’année de récolte précédente et sur ce que vous avez manifesté dans votre vie et imaginez ce à quoi vous voulez que votre vie ressemble le 1er Novembre de l’année prochaine. Ne vous laissez pas préoccuper par la façon dont ces changements vont se produire. Rêvez simplement et écrivez-le. Faites une liste que vous garderez et une liste que vous brûlerez en offrande au Dieu et à la Déesse, tel un testament pour l’année. Il n’y a pas besoin de planifier le voyage. Pour l’instant, vous êtes en train de créer la destination.
Trouvez des moments de méditation pendant la journée ; profitez-en pour explorer les coins sombres en vous-même et engager le dialogue avec vos propres démons. Explorez doucement les entraves que vous créez à votre propre succès et trouvez le moyen d’améliorer vos relations ainsi que d’autres processus personnels.
Trouvez les mensonges que vous vous dites et objectivez-les jusqu’à ce que vous trouviez la vérité. Profitez de ce temps pour vous remémorer de vieilles expériences que vous percevez comme des échecs et commencez à les considérer comme des leçons essentielles de votre vie.
Observez avec du recul le travail des Dieux dans votre vie et voyez comme la sagesse et le don (même la trahison!) ont été créés dans l’adversité. Honorez vos forces et pardonnez vos faiblesses, en sachant que vous resterez maître de leur emploi l’année prochaine. L’hiver peut être un endroit très sûr et agréable lorsqu’il est correctement utilisé. Trouvez votre «rythme d’hiver» et portez-le jusqu’à l’équinoxe de printemps, lorsque la partie active de l’année recommencera. Votre chi vous remerciera.
par Katrina Rasbold, traduit par Catherine
(Magazine Lune Bleue/ LWE) et le lien : http://la-lwe.bbfr.net .