La solitude n’a rien à voir avec l’isolement
Beaucoup d’entre nous, en quête de sens et de repères entament une démarche spirituelle. La croyance inoculée depuis des siècles que les réponses se trouvent à l’extérieur de soi, peut inciter à enchaîner les stages et séminaires les uns derrière les autres, sans se laisser le temps d’intégrer les enseignements et de les passer aux tamis de l’expérimentation en les utilisant dans la vie quotidienne.
Cette course au savoir, fait oublier que c’est dans la solitude que l’esprit se déploie librement. C’est en se tournant vers l’intérieur de soi, que nous pouvons découvrir notre pierre philosophale. Trouver le chemin qui mène à cette pierre originelle spécifique à chacune ne peut se faire que dans le recueillement et la solitude, loin du tumulte.
Un processus de transmutation que les alchimistes condensaient dans le mot initiatique VITRIOL : Visita Interiora Terrae Rectificandoque Invenies Occultum Lapidem, qui se traduit par Visite l’intérieur de la Terre et en rectifiant tu trouveras la pierre cachée ou occulte. Une invitation claire à l’introspection qui indique : Descends au plus profond de toi-même et trouve le noyau insécable, sur lequel tu pourras bâtir une autre personnalité, un homme nouveau.
« La solitude, c’est un pont entre le monde visible et le monde invisible » Jacqueline Kelen
Une solitude que je vous invite à envisager, non pas comme un isolement attristant, mais comme une pleine solitude pourvoyeuse de liberté, de légèreté et de verticalité, qui ouvre la porte de tous les possibles, en visionnant cet entretien de Jacqueline Kelen pour RACINES.
Jacqueline Kelen et la pleine solitude
http://www.dailymotion.com/video/xbbbti
* L’auteure
Après avoir produit des émissions à France Culture pendant une vingtaine d’années, Jacqueline Kelen a publié depuis 1982, une trentaine d’ouvrages. Plume atypique, elle consacre la plupart de ses livres et de ses séminaires au déchiffrement des mythes de la tradition occidentale et à l’étude de la voie mystique.
* Quelques morceaux choisis du livre
« On demandait à Diogène qui est riche parmi les hommes et il répondit aussitôt : « Celui qui se suffit à lui-même ». Au IVe siècle avant l’ère chrétienne, ce philosophe cynique allait pieds nus, vêtu d’un seul manteau, ne possédant que sa liberté et son verbe haut. Ayant réduit au minimum ses besoins et ses désirs, il avait élu domicile dans un étrange tonneau et décida même de se passer d’un gobelet le jour où il vit un petit garçon boire dans ses mains. Diogène ne vivait cependant pas loin des hommes mais, installé à Athènes ou Corinthe, il haranguait les passants, parlait avec des amis choisis, interpellait le grand Alexandre. Avant lui, Socrate qui supportait le froid et la faim mais pouvait également banqueter et boire jusqu’au matin déclarait : « S’il est un homme qui se suffit à lui-même pour être heureux, c’est bien le sage, et il est celui de tous les hommes qui a le moins besoin d’autrui ». Épicure, qui pose le plaisir comme but essentiel de l’humaine existence dans laquelle les dieux n’interviennent pas, insiste pareillement sur « l’autosuffisance comme un grand bien non pour satisfaire à une obsession gratuite de frugalité, mais pour que le minimum, au cas où la profusion ferait défaut, nous satisfasse ». Illustrant une autre tendance philosophique, le stoïcien Épictète conseille : « Va te promener seul, converse avec toi-même ». Ces divers préceptes de la sagesse grecque représentent moins une apologie du dénuement qu’une recherche de la liberté totale. Ils invitent chacun à dépendre le moins possible des circonstances extérieures et à s’ancrer en soi-même. C’est une façon aussi de savourer la vie présente, sans se plaindre et sans être suspendu à l’avenir : la frugalité par exemple n’est pas une privation, elle permet d’apprécier les choses simples et la qualité plutôt que la quantité. Et, dans ces diverses écoles philosophiques, les hommes savent alterner les temps de retraite et de conversation ; pour eux la solitude n’est pas misanthropie et la compagnie des autres n’est pas fuite de soi. »
« La solitude est un cadeau royal que nous repoussons parce qu’en cet état nous nous découvrons infiniment libres et que la liberté est ce à quoi nous sommes le moins prêts.
Solitaire je suis. Depuis toujours et plus que jamais. La solitude est ce qui me fait tenir debout, avancer, créer. C’est une terre sans limites et ensoleillée, une citadelle offerte à tous les vents mais inexpugnable. C’est la seule part d’héritage que je défends âprement, part d’ermitage qui est tout et qui est moi.
Solitaire, donc, quoique bien entourée et riche d’amitiés. Solitaire comme un défi à la banalité, comme un refus de se résigner. Solitaire pour continuer à m’aventurer, pour honorer la précarité humaine et ne pas démériter de l’Esprit. »
« Lorsqu’on va seul dans la vie, ce n’est pas qu’on soit méchant ou délaissé : c’est que le monde entier vous sourit et offre du sens. Lorsqu’on vit seul, ce n’est pas manque de chance ni absence d’amour : c’est que justement jamais on ne se sent seul, que chaque instant déborde de possibles floraisons.
Pour devenir soi et devenir quelque peu libre, il faut lâcher le recours permanent à l’autre, au regard de l’autre. Marcher seul. Refuser l’aide autant que l’apitoiement et la flatterie. La voie solitaire n’engage pas nécessairement à un combat héroïque, elle invite d’abord à la rencontre avec soi-même, à la découverte de cet être qui n’est pas seulement un produit de la société, de la famille, de l’histoire ou de la génétique. Et ici, le précepte du temple de Delphes, invoqué par Socrate, prend toute son ampleur : « Connais-toi toi-même, et tu connaîtras l’univers et les dieux ». Son équivalent se trouve dans la mystique de l’islam, avec ce hadith : « Celui qui se connaît, connaît son Seigneur ». Car il ne s’agit pas d’une introspection, d’une analyse psychologique, mais d’un éveil au Moi céleste, au Moi transcendant qui échappe à toute contingence, à tout conditionnement, à la mort même, et se rencontre dans la solitude, le silence, tout au fond ou plutôt au sommet de la profondeur. »
« Il y a en chacun de vous une solitude qui est ce que vous avez de plus précieux. Une solitude inaliélable, magnifique, qui est la solitude de l’esprit. » C’est sur ces mots que Jacqueline Kelen termine son ouvrage. L’esprit de Solitude
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