La fête du printemps

 

 

ROUE DE L’ANNÉE

images (2)La comparaison des célébrations printanières indiennes, romaines et celtiques montre des parallèles importants qui permettent de reconstituer un schéma général. 

Les fêtes romaines du printemps sont les fordicidia, les parilia et les robigalia. Elles sont principalement décrites dans les Fastes d’Ovide. La fête indienne correspondante s’appelle vasantotsava (littéralement « festival du printemps »). 

Elle est toujours célébrée de nos jours sous le nom de holî. Elle est décrite dès le Moyen-âge, principalement dans cinq textes : le ratnâvalî, le kathâsaritsâgara, le vikramacarita, deux chapitres du bhavisya purâna et le virûpâksavasantotsavacampû. 

La fête celtique de beltain est surtout connue par de rares textes irlandais et des témoignages indirects d’auteurs antiques. Mais il en subsiste des éléments importants dans de nombreux folklores européens et nord-américains.

La fête persane s’appelle norooz (nom avec diverses variantes, toutes liées à l’avestique navrǝzaŋh = nouvelle lumière, renvoyant à la nouvelle année). Elle est célébrée dans toutes les populations autrefois influencées par l’Empire perse. Malgré la réforme zoroastrienne puis l’islam, on retrouve de nombreux traits caractéristiques du rituel commun. 

HOLÎ 1

Originellement à la pleine lune du mois de Caitra (caitra purnima), également appelé Madhu, au début du printemps. Le soir, on allume un feu. Les jeunes hommes sautent par-dessus. Le thème des cendres est plus  simplement présent dans la mort et la résurrection du dieu Kâma, consumé par le troisième oeil de Śiva. Dans le nord de l’Inde, ce feu est censé rappeler la crémation de la démone Holâka (litt. graine à moitié grillée) ou Dhaundhâ (lit. la fumeuse), tuée par Krṣṇa enfant  (évolution médiévale d’Indra), ce qui explique que ce dernier s’y substitue souvent à Kâma dans les festivités. Le Bhavisya Purâṇa relate que le festival a été instauré par le roi Raghu pour protéger la terre de la démone Dhaundhâ et assurer un an de prospérité ; dans cette version, Dhaundhâ est tuée par les enfants en général. Dhaundhâ est parfois redoublée par une démone Pûtanâ (lit. pestilence).

Les cendres ont de nombreuses fonctions apotropaïques liées aux récoltes (elles tuent les rats, les insectes, etc.) et aux maladies. Plus original et spécifique, dans certaines régions, elles préviennent les incendies. 

Le lendemain, sous l’emprise du vin (le festival est parfois appelé madanamaha = fête de l’ivresse), la population projette dans les rues des poudres rouges (à base de safran et de vermillon). La poudre est parfois remplacée par de la boue ou par de l’eau colorée. Dès le Moyen-âge, d’autres couleurs étaient pratiquées, mais les commentateurs indiens modernes précisent que seul le rouge est traditionnel. 

Originellement, les produits projetés sont transportés dans des cornes de bovidés (śrñgas), rappelant le lien originel de la cérémonie avec l’élevage. Pratiquement tous les éléments de la cérémonie se retrouvent dans la cérémonie du mariage. La fête est liée au dieu Kâma, que sa description fait l’exact équivalent de l’Erôs grec. Certaines descriptions (pârijâta-mañjarî) incluent de la poudre parfumée de musc dans les ingrédients de ces projections. 

Le contexte du texte et l’étymologie (de muskâ = testicules) font ressortir la connotation sexuelle du rite. Ce développement spécifique provient de ce que la fête est associée à la résurrection de Kâma après qu’il ait été tué par le regard brûlant du troisième oeil de Śiva. Comme en Grèce, le printemps est vu comme la renaissance d’une divinité enfant de la déesse de la fertilité (respectivement Déméter, mère de Perséphone, et Lakṣmî, mère de Kâma). Au Deccan, au début du mois de Caitra, on dresse un pilier de bambou en l’honneur d’Indra. Un texte jaïn (le kathâkośa) précise que le festival vasantotsava inclut des festivités en l’honneur d’Indra, ce qui recoupe les festivités modernes en l’honneur de Krṣṇa. Probablement sous influence dravidienne, les astronomes indiens associent à Sirius une deuxième Rohini en l’étoile α Scorpii. Située approximativement à l’opposé sur la voûte céleste, elle est en conjonction avec le soleil quand Sirius est au plus haut. Les traités astronomiques l’appellent couramment Jyeṣṭhâ, abréviation de Jyeṣṭhaghnî = tueuse de premiers nés. 

FORDICIDIA, PARILIA ET ROBIGALIA2

Trois jours après les ides de Venus (15 avril), originellement peu après la pleine lune : Les pontifes sacrifient 30 vaches pleines. La plus âgée des Vestales brûle les foetus des taureaux, dont les cendres sont recueillies pour les parilia. Le nom de fordicidia se rapporte à la mise à mort de vaches gestantes (sur ferô = porter). Son nom sur les inscriptions officielles était hordicidia, sous l’influence de hordeum = orge, dont les graines étaient également brûlées à l’occasion de ces festivités. 

21 avril :

Le peuple de Rome remet au temple de Pales des offrandes constituées des cendres des veaux brûlés aux fordicidia, de sang de cheval et de tiges de fèves durcies – qui ensemble forment une poudre rouge. Cette poudre sert à purifier le temple de Pales. Les bergers prient Pales et lui offrent des gâteaux. La prière la caractérise en protectrice des troupeaux, combattant la famine. Ensuite, ils sautent à travers un feu. Le vin est présent en abondance dans les célébrations. La disparition de bonne heure de l’institution royale romaine a fait disparaître toute référence royale dans les textes. 

25 avril :

Un flamine se rend au bois sacré du démon Robigus pour lui sacrifier les entrailles d’un chien roux afin qu’il épargne les récoltes. Robigus se manifeste sous les traits de la rouille (latin rubigo / robigo) et de la nielle du blé. 

BELTAIN3

Début mai, le 1er à l’époque médiévale. Les textes irlandais médiévaux (principalement le Lebor Gabála Érenn) relatent qu’une personne d’autorité, sans doute originellement le roi, allume des feux, entre lesquels on fait défiler les troupeaux pour les protéger des maladies. Les gens sautent au-dessus du feu. Il semble qu’on sacrifiait un cheval ce qui implique une intervention royale. Selon le glossaire de Cormac, on y sacrifiait du bétail nouveau-né. 

téléchargementLa fête se poursuit dans le folklore moderne, entre le 30 avril et le 1er mai, dans les pays anciennement celtiques et germaniques, jusqu’en Finlande, et en Amérique du nord, principalement sous les noms de May eve, May day et Walpurgisnacht. En plus des cérémonies du feu (allumé avec le bois mort de l’hiver en Suède), on érige un poteau pour organiser des danses circumambulatoires. Ce poteau, au caractère végétal évident, est souvent associé à des dons végétaux qui se poursuivent de nos jours dans notre muguet du 1er mai. On notera que le nom du muguet découle de celui du parfum du musc. Une fois les feux éteints, les gens paradent dans les rues et festoient en groupes, pas en famille. Dans certaines régions (République tchèque), on brûle une sorcière en effigie. Le thème de la sorcière est récurrent dans de nombreuses autres régions, y compris dans l’est de la France. À l’inverse, en Angleterre et en Amérique, on couronne une Reine de Mai. 

Le caractère apotropaïque contre les maladies est encore ressenti en Roumanie. À une date mobile autour du 1er juin ont lieu les trois jours des rogations. Leur nom se réfère à la couleur rouge (déformation sur le latin ruber). La Légende dorée l’associe à un feu du ciel, au déchaînement des bêtes sauvages et des démons. L’Église y organise une procession parfois associée à un dragon. 

NAVRƎZAŊH4

Le dernier mardi de l’année (fin de l’hiver), on allume de grands feux. Les jeunes hommes sautent par-dessus en criant « donne-moi ton rouge vibrant et enlève-moi ma pâleur maladive ». La journée est l’occasion de pratiques oraculaires et apotropaïques. Elle s’accompagne aussi un « grand nettoyage de printemps » et de rituels de dévotion aux morts. Le lendemain, les enfants défilent dans les rues pour collecter des bonbons, de la façon dont les enfants dans les pays de tradition celtique procèdent exactement six mois plus tard. Au jour du nouvel an traditionnel, qui correspond à l’arrivée du printemps, un homme habillé de rouge défile dans les rues en chantant et dansant, accompagné au tambourin et à la trompette. Il dispense ses bons voeux aux passants. 

Après douze jours de célébration, les gens partent pique-niquer. À cette occasion, ils jettent dans l’eau des graines germées réputées porter malheur – on se souviendra de l’étymologie du nom de la démone indienne Holâkâ.

De nos jours, la fête est avancée autour du 21 mars. Le Kurdistan a conservé des versions d’un mythe justifiant Newroz par la victoire du forgeron Kawa sur le monstre reptilien Zohak, dévoreur d’enfant (comme la démone Dhaundhâ – la famine tue d’abord les enfants). 

INDO-EUROPÉENS

Ces célébrations comportent des traits récurrents :

- Autour de la pleine lune la plus proche de l’équinoxe de printemps.

- Dans un contexte de fête liée à l’élevage et à la végétation sauvage.

- On sacrifie des bovidés, dont des nouveau-nés, et un cheval.

- On prépare un feu, où on brûle des vaches pleines et des graines, et dont on recueille les cendres.

- On prépare une poudre à partir de ces cendres, de couleur rouge; le choix de la couleur relève de

la magie d’imitation. 

- La cérémonie a pour objet de conjurer le démon rouge de la famine, identifié dans le rougeoiement pathologique des plantes, et aussi dans le motif astronomique de l’étoile Sirius, dont le coucher coïncide avec le printemps, et qui s’observait en rouge jusqu’à la fin de l’Antiquité. 

- La fête est accompagnée d’agapes avinées, et d’un défilé dans les rues en contexte urbain.

 

Retrouvez les écrits d’Alexandre Avon dans son livre Buffy contre les vampires, une épopée trifonctionnelle

dumézilienne, et sur https://www.facebook.com/pages/Buffy-contre-les-vampires-par-Alexandre-AVON/86622319352   .

 

SOURCES :

1 Holî :

http://digitalcommons.mcmasterca/cgi/viewcontent.cgi?article=2543&context=opendissertations   (51 et suiv.)

http://trad-india.over-blog.com/pages/La_delivrance_pour_logresse_Putana-2864577.html

http://hssa.sayahna.org/ojs/index.php/hssa/article/view/4/ 10 p.40 et suiv . 

2 Fordicidia, Parilia et Robigalia :

http://bcs.fltr.ucl.ac.be/fast/FIV.html  – Ovide, Fastes IV

http://bcs.fltr.ucl.ac.be/tib/tib2.html#5  (85)

http://fr.wikipedia.org/wiki/Fordicidia#cite_note-71 

3 beltain :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Nuit_de_Walpurgis P.Walter, Mythologie chrétienne, VI ed. Imago  

4 Navrǝzaŋh

http://fr.wikipedia.org/wiki/Norouz

http://www.cultureofiran.com/newyear_celebrations.html

http://www.kutchuk.com/agenda/printemps/norouz.htm

5 Indo-européens :

http://www.cieletespace.fr/a-la-une/996

http://www.astro-rennes.com/constellations/grand_chien.php

 

Publié dans : LUNES |le 4 février, 2015 |Pas de Commentaires »

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