Brujeria et Curanderismo : Un aperçu de guérison
Pour commencer, examinons un peu le curanderismo. C’est un système de guérison magique, bénédiction et purification, largement basé sur des prières et rituels catholiques, fortement imprégné de magie et religion populaires, et d’un peu d’herboristerie dans certains cas. Un praticien homme est un curandero, alors qu’une femme praticienne est une curandera. Beaucoup de rituels au sein de cette tradition se rapportent à la détection et l’annulation de la sorcellerie maléfique (nommée brujeria par les curanderos, ce qui est un peu déroutant… développé plus loin). A Mexico, où est basée cette pratique (bien qu’il y ait un nombre toujours croissant de praticiens dans d’autres lieux d’Amérique centrale et du nord), une personne peut faire appel à un curandero si un membre de sa famille semble affecté d’une maladie hors du commun, ou si leur maison semble être hantée, ou s’ils ont la sensation qu’une série de malchance s’attache à eux. Une des meilleures ressources sur le curanderismo en ligne est le site de Dona Concha : Curious Curandera1. Dans une des pages d’introduction à un de ses excellents cours, elle résume la pratique :
Le curanderismo n’est pas seulement une forme de guérison populaire, il intègre aussi la pratique de la magie blanche, le rituel, la purification, le travail énergétique, le contact avec les esprits, la divination et un grand nombre de prières, pour n’en citer que quelques-unes. Tandis que certains praticiens préfèrent ne s’engager que dans un domaine, d’autres travaillent dans tous les domaines. Le curanderismo est une pratique très spirituelle avec une forte croyance religieuse. Les praticiens utilisent divers objets dont des herbes, des épices, des oeufs, des citrons, des citrons verts, de l’eau bénite, des saints, des crucifix, des prières, des bougies, de l’encens, des huiles et des outils de divination. La plupart intègrent une assistance des esprits. Tous les praticiens ne travaillent pas de la même façon. Par exemple, une personne pourra réaliser une purification spirituelle avec un oeuf cru non brisé alors qu’une autre pourra utiliser une poignée d’herbes comme outil de purification.
Bien qu’une curandera puisse réaliser des rituels pour aider à se débarrasser de la malchance ou puisse contacter des esprits spécifiques (habituellement angéliques ou «saints»), elles ont tendance à fuir toute magie «sombre».
La brujeria, en revanche, signifie littéralement «sorcellerie» et est souvent perçue sous un jour négatif. Ce système, cependant, n’est pas totalement différent du hodoo, centré sur le concret, les types de magie les plus rustiques : amour, argent, sexualité, etc. Ce qui donne à la brujeria sa mauvaise réputation est son association à la «magia negra» ou «magie noire». Alors que le curanderismo et la brujeria peuvent tous deux travailler avec la «magia blanca» («magie blanche») pour apporter les remèdes, la guérison et la chance, seule la brujeria travaille avec des choses comme la convocation des esprits et la nécromancie pour parvenir à ses fins. Brujo Negro, qui tient un site fantastique2 sur la brujeria (et dont le nom signifie «sorcière noire»), décrit la magia negra comme une extension de la magie de grimoire importée par les Espagnols au cours du XVIème siècle. Il précise également que les peuples indigènes de Mexico (les nahua, les xolotl, etc.) n’avaient pas particulièrement de concepts de «bien» et de «mal», et donc les concepts d’une branche de magie entièrement au service du mal leur auraient été étrangers. Au lieu de cela, la figure du «médecin guérisseur» (désigné comme «chaman» du point de vue anthropologique dans de nombreux cercles) utiliserait sa connaissance des matières et forces naturelles (plantes, racines, pierres, et parties animales) pour créer des remèdes particuliers pour les membres de la communauté frappés d’étranges maladies. Les Espagnols n’ont pas toujours compris ce que faisaient les indigènes et les regardaient, ainsi que leurs pratiques, avec méfiance.
L’utilisation de magie de grimoire, de talismans, d’invocations d’esprits et d’autres sortilèges qui ne se basaient pas explicitement sur les paradigmes chrétiens pour accomplir leurs objectifs a mené à l’opposition du brujos au curanderos. Ce n’est pas plus différent que la supposée guerre entre les benandanti et les sorcières d’Italie, que Carlo Ginzburg a incroyablement bien décrit dans son livre Les Batailles nocturnes. En réalité les deux groupes travaillaient tous deux, en général, pour le bien de leurs communautés, bien que le brujos puisse occasionnellement avoir recours à une magie plus agressive pour réaliser son travail et mettait probablement un peu plus de piquant dans l’aspect spirituel de sa pratique. Un autre groupe de praticiens de la magie (qui pourrait être l’équivalent des sorcières des contes de fées, ou sorciers maléfiques de tradition populaire) pourrait bien s’être engagé exclusivement dans les pratiques de malédictions et la magie maléfique, dans quel cas un brujo ou un curandero pourrait être appelé à combattre le sorcier maléfique, démontrant encore une fois que la frontière entre les deux camps est au mieux floue.
La présence historique de la magie populaire au sein des communautés hispaniques remonte à plusieurs siècles, et bien qu’elle ait des points communs avec l’expérience coloniale le long de l’Atlantique, elle ressemble également fortement à l’expérience africaine en Amérique. Les contacts entre les indigènes et les nouveaux arrivants étaient relativement nombreux, et l’échange culturel était fluide, si on ne lui donnait pas officiellement libre cours.
Les cas de sorcellerie du Nouveau Mexique révèlent une variété d’aspects de la vie coloniale au Nouveau Mexique qui n’existaient pas dans d’autres régions colonisées de l’Amérique du Nord. Par exemple ils montraient la proximité physique dans laquelle les indiens et les européens vivaient ainsi que les croyances de plus en plus
entremêlées qu’ils partageaient, sur le pouvoir, sur la magie, sur la guérison et sur les sorcières. Ces caractéristiques de la société du Nouveau Mexique étaient particulièrement prononcées après le retour espagnol à la colonie en 1706. La sorcellerie faisait tellement partie du Nouveau Mexique au XVIIIème siècle que Ramon A. Gutierrez a suggéré que c’était un des trois principaux problèmes qui touchaient la vie là-bas… Rien de comparable n’existe dans les annales conservées de l’Amérique du Nord britannique ou française, du moins en ce qui concerne les peuples indigènes.
Cela ne veut pas dire que les relations étaient nécessairement heureuses entre les indigènes et les conquérants espagnols, mais le niveau d’intégration entre les croyances du vieux monde et du nouveau monde semblait bilatéral, avec des peuples comme les Xolot s’adaptant au panthéon de saints catholiques et aux rituels de l’église, tandis que les Espagnols ont recherché des guérisseurs de la communauté pour leurs dons éthérés. Des procès pour sorcellerie pouvaient et ont en effet éclaté, mais peu ont eu la vigueur de ceux de la Nouvelle Angleterre (ou même de la vieille Angleterre). L’apparence de catholicisme a recouvert une variété de pratiques magiques et les a placées dans un contexte religieux «approprié», bien qu’en pratique les guérisons étaient toujours réalisées par l’intermédiaire de plantes, esprits ou autres outils magiques.
L’essentiel des pratiques des brujos et curanderas ressemble vraiment à une autre pratique fortement ancrée dans le catholicisme, celle de la stregheria (ou plus précisément, la tradition cousine de la streghoneria), qui vient d’Italie. Examinons quelques pratiques phares communes à une ou deux de ces traditions, pour que vous les reconnaissiez quand vous les croiserez. Dans les deux, vous pourrez trouver :
• Les pratiques divinatoires : parfois par des cartes, mais tout aussi souvent par des objets très spécifiques comme des oeufs cassés dans un verre d’eau ou les cendres d’un cigare.
• La magie des saints : faire appel au pouvoir d’intercession des saints pour accomplir des tâches spécifiques.
Cela s’accompagne souvent de rituels comme l’allumage d’une bougie et une prière.
• Les statues et les charmes : accompagnant la plupart du temps la magie des saints, bien que d’autres types de charmes, comme le milagros (de petits charmes d’étain, d’argent ou d’or en forme de coeur, de partie du corps, d’animaux etc. servant d’offrandes religieuses) soient aussi utilisés fréquemment.
• La purification rituelle : en particulier l’usage d’eau bénite ou d’éléments naturels comme des oeufs, des citrons verts, des citrons, etc. Elle peut être réalisée sur une personne ou sur un lieu particulier.
• Les prières liturgiques : elles sont utilisées en dehors de la liturgie orthodoxe, et sont souvent répétées plusieurs fois pour atteindre leur but dans un cadre magique.
• Les neuvaines : on les trouve facilement dans les endroits où vivent de nombreuses populations hispaniques, et sont souvent faites d’une bougie encastrée dans du verre recouvert de l’image d’un saint, d’un ange, ou d’un autre être saint.
Dans les pratiques individuelles, la magie peut s’appuyer sur une ou plusieurs de ces catégories. Certains saints populaires sont profondément vénérés par un groupe et non l’autre, ou parfois révérés par les deux groupes de manières différentes. Un bon exemple de cette relation différente-mais-identique est Santa Muerte («Sainte Mort»), un esprit puissant à la fois aimé et craint dans Mexico. Elle mériterait un article entier, donc je me contenterai de la mentionner. Comme dit précédemment la brujeria ressemble fortement au hoodoo, donc on y
trouve beaucoup de racines, d’os, de clous rouillés, alors que les préparations à base de plantes pour la guérison et la purification sont plus utilisées dans le curandersimo.
Retrouvez les articles et podcats de Cory sur son site New World Witchery http://newworldwitchery.com/
1 – http://curiouscurandera.com
2 – http://www.brujonegrobrujeria.com

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