Exploration du temps
L’homme, en s’unissant par une suite de la corruption de sa volonté aux choses mixtes de la région apparente et relative, s’est assujetti à l’action des différents principes qui la constituent, et celle des différents agents préposés pour les soutenir, et pour présider à la défense de leur loi : et ces choses mixtes ne produisant par leur assemblage que des phénomènes temporels, lents et successifs, il en résulte que le temps est le primordial instrument des souffrances de l’homme, et le puissant obstacle qui le tient éloigné de son Principe : le temps est le venin qui le ronge, tandis que c’était lui qui devait purifier et dissoudre le temps : le temps enfin, ou la région qui sert de prison à l’homme, est semblable à l’eau dont le pouvoir est de tout dissoudre, d’altérer plus ou moins vite la forme de tous les corps, et dans laquelle on ne peut plonger l’or sans qu’il n’y soit privé du dix-neuvième de son poids ; phénomène qui selon des calculs intègres représente au naturel notre véritable dégradation.
En effet, le temps n’est que l’intervalle de deux actions : ce n’est qu’une contraction, qu’une suspension dans l’action des facultés d’un être. Aussi, chaque année, chaque moi, chaque semaine, chaque jour, chaque heure, chaque moment, le principe supérieur ôte et rend les puissances aux êtres, et c’est cette alternative qui forme le temps.
L’étendue éprouve également cette alternative, elle est soumise aux mêmes progressions que le temps : ce qui fait que le temps et l’espace sont proportionnels.
L’action de l’homme étant étrangère à cette région terrestre, cette action est perpétuellement suspendue et divisée en lui. On ne peut douter que la véritable action de l’homme n’était pas faite pour être assujettie à la région sensible ; puisque la lumière fait des progrès pour se communiquer à lui, à mesure que l’action sensible l’abandonne et qu’il s’en dépouille ; et puisque loin qu’il doive attendre tout de ses sens, il n’a rien que quand ils sont calmes et dans une espèce de néant pour son intelligence. En apercevant tant de beautés dans les productions des êtres physiques, dont la loi n’a point été dérangée, nous pouvons donc nous former une idée des merveilles que l’homme ferait éclore en lui, s’il suivait la loi de sa vraie nature, et qu’à l’image de la main qu’il a formé, il tâcha, dans toutes les circonstances de sa vie, d’être plus grand que ce qu’il fait.
Son être intellectuel arriverait au dernier terme de sa carrière temporelle, avec la même pureté qu’il avait en commençant le cours. On le verrait dans la vieillesse unir les fruits de l’expérience avec l’innocence de son premier âge. Tous les pas de sa vie auraient fait découvrir, en lui la lumière, la science, la simplicité, la candeur, parce que toutes ces choses sont dans son essence. Enfin, le germe qui l’anime se serait étendu, sans s’altérer ; et il rentrerait avec le calme de la vertu, dans la main qui le forma, parce qu’en lui représentant sans aucune altération, le même caractère et le même sceau qu’il en avait reçu, elle y reconnaîtrait encore son empreinte et y verrait toujours son image.
Le nombre des temps que l’homme doit subir pour accomplir son œuvre, est proportionné au nombre des degrés, au-dessous desquels il est descendu ; car, plus le point d’une force tombe est élevé, plus il lui faut du temps et d’efforts pour y remonter. L’homme doit se former, pendant son séjour sur terre, un ensemble de lumières et de connaissances qui embrasse une sorte d’unité.
Mais le complément des véritables jouissances ne peut être obtenue car elles n’appartiennent pas à l’ordre terrestre : l’homme ne peut saisir que l’esquisse et la représentation de ces lumières.
« Que l’homme intelligent médite ici sur les lois de l’Astre lunaire, qui nous représentent, sous mille faces, notre privation ; qu’il examine pourquoi cet Astre ne nous est visible que pendant ses jours de matière ; et pourquoi nous le perdons de vue le vingt-huitième jour de son cours, quoiqu’il se lève également sur notre horizon. »
Tout se réunit pour prouver à l’homme qu’après avoir parcouru laborieusement cette surface, il faut qu’il atteigne à des degrés plus fixes et plus positifs, qui aient plus d’analogie avec les vérités simples et fondamentales dont le germe est dans sa nature. Enfin, il faut à la mort, qu’il réalise la connaissance des objets, dont il n’a pu apercevoir ici que l’apparence.
Extrait du TABLEAU NATUREL DES RAPPORTS QUI EXISTENT ENTRE DIEU, L’HOMME ET L’UNIVERS L.C. de Saint-MARTIN –1782

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