Maquillage du peuple Nuba
Nymphes de la nature. Super-héroïnes dignes des meilleurs comics. Anges et mages étranges. Les créations autour du bodypainting, au-delà d’une inventivité débordante, cachent parfois quelques mystères et une grande sensibilité…
Dans nos sociétés contemporaines, le bodypainting est parfois réduit à un simple maquillage esthétique. Pourtant, la peinture corporelle est de coutume depuis la nuit des temps chez quasiment toutes les cultures tribales à travers le monde. Elaborées notamment à partir de minéraux, de fleurs et de fruits broyés, et de sang d’animaux afin d’en extraire les pigments, ces peintures ont des finalités définies. Camouflage pour la chasse, indicateur de l’âge comme c’est le cas dans le peuple Nuba au Soudan, elles sont aussi couramment utilisées lors de cérémonies et rituels afin d’honorer le monde invisible.
Mais la peinture corporelle reste avant tout un symbole fort d’affirmation de soi et une illustration de nos processus intérieurs.« Il fallait être peint pour être homme », nous a dit Claude Levi Strauss, qui considérait la peinture comme le premier geste ornemental de l’humanité. Dans cette idée, il est des artistes qui conservent une approche très intuitive, voire spirituelle, de cette discipline. Révélé par la Rencontre Bodypainting France 2014 après seulement six mois de pratique, Rémy de Sousa, dit Agaz Art’s, est l’un d’entre eux. « Il a une griffe bien à lui, mais ce qui est surtout frappant c’est l’attachement qu’il porte à ses modèles et à leur bien-être », nous confie Jessica Cwikla, organisatrice de l’évènement et artiste réputée.
Agaz considère en effet que les particularités de ses créations ne viennent pas de lui, mais de chacun de ses modèles. « Chaque personne est unique dans sa manière d’être, et dans ce qui émane d’elle. C’est cette énergie de l’instant que j’aime capturer et révéler », nous précise-t-il. Le corps n’est donc pas vraiment une page blanche à ses yeux, car sa perception des émotions et des attitudes le renvoie déjà à des couleurs et à des formes. Il mêle ensuite celles-ci à son imagination pour réaliser ses œuvres. Selon Bertrand Orsal, professeur de photographie et photographe officiel des plus grands évènements mondiaux en bodypainting :« Même les artistes qui ne dialoguent pas avec leurs modèles opèrent une forme de discours indirect avec les lignes de la silhouette et l’expression corporelle. L’aura qu’elles peuvent dégager les rend très inspirantes pour les artistes. »
Sa sensibilité à l’énergie, Agaz ne l’avait pas constatée avant sa première séance photo en fin d’année passée. « C’était une sensation étrange bien que familière, comme si cela avait toujours été là sans que j’en aie conscience. » Coïncidence, quelques personnes ayant rejoint son réseau cette année sont initiées au Reiki, une discipline tibétaine de soins en énergie. Ces rencontres l’ont poussé à s’interroger sur ses sensations, et sur une éventuelle capacité à percevoir les auras. « Ce dont je suis sûr, c’est que ma peinture fait émerger une facette très profonde et intime de ces personnes. Le reste n’a pas besoin d’être défini par des mots, c’est une question de feeling. » Il a d’ailleurs baptisé « éclosion », le moment où l’œuvre prend sens aux yeux de la modèle, « quand la chrysalide devient papillon », comme il le dit. Une manière poétique de définir la transformation intérieure induite par la visualisation de l’œuvre, comme un message inconscient parvenu à la conscience.
Ce potentiel transformateur, chacun de ses modèles le reconnaît. Une de ses muses, comme il les appelle, lui a même offert un dessin le représentant avec une blouse de médecin et un badge d’art thérapeute. Comme nous le confie notamment Amel, une de ses modèles, « ces séances permettent de gagner en assurance et de mieux accepter son corps. » La peinture devient une seconde peau qui magnifie la nudité, et confère au modèle une force nouvelle pour investir pleinement son personnage. « On est de moins en moins timide, ce qui fait du bodypainting une réelle libération de l’âme », ajoute-t-elle. Toutes reconnaissent ainsi avoir évolué par rapport à leurs complexes depuis leur collaboration avec Agaz. Le monde du bodypainting ne semble d’ailleurs pas touché par le diktat de la minceur que subit notre société. « Le bodypainter a plutôt tendance à se réjouir d’avoir davantage de surface à peindre », plaisante Lily, une autre de ses modèles.
Ainsi, dans l’univers d’Agaz, la modèle n’est pas seulement une toile de peinture, mais la clé du processus créatif et de l’œuvre finale. En utilisant l’énergie des personnes dans le choix des couleurs et des formes, il ne crée pas seulement des tableaux, mais il représente des mondes intérieurs. De véritables expériences transformatrices pour ses modèles comme pour lui, et sans doute aussi pour son public.
source INREES

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