Au Nom du Coeur
Entretien réalisé par Jef Gianadda
Le Matin, Octobre 97
Entretien avec Paule Salomon
A la veille de ses stages et conférences en Suisse romande, la philosophe et thérapeute française Paule Salomon nous éclaire sur » La brûlante lumière de l’amour «
Dans son nouveau livre, Paule Salomon affirme que « l’amour est une brûlure et quand cette brûlure est acceptée, elle peut se transformer en lumière ». Eclairage.
- « Apprendre à aimer est sans doute la tâche la plus importante de toute une vie. » Pourquoi, selon vous, y rencontrons-nous tant de difficulté ?
- Je pense que la difficulté d’aimer vient essentiellement de l’ego. Chacun d’entre nous a une grande partie de énergie orientée vers l’ affirmation de soi et de sa valeur. Nous héritons tous d’une grande difficulté relationnelle, celle d’ouvrir son coeur, parce que nous nous défendons contre toutes les agressions extérieures qui nous catalogueraient. Ce sont les jugements des autres, puis les nôtres, portés sur nous, qui vont être, d’une certaine façon, les écrans les plus forts entre nous et notre capacité d’aimer.
- Vous parlez de « l’infirmité du coeur (qui) est une maladie plus répandue qu’il ne semble ». Comment la guérir ?
- En s’ouvrant à l’ amour de soi et à celui, plus vaste, de la vie, dimension très intérieure qui a à voir avec l’âme. Si l’amour est un mystère, c’est bien parce qu’il procède de la vie intérieure, une dimension atrophiée dans notre monde actuel. L’amour ne peut pas se passer d’une conscience vaste.
- Vous dites aussi : « La rencontre du sacré et du profane est sans doute la grande affaire des décennies à venir « . Croyez-vous à une prise de conscience suffisamment authentique et universelle permettant d’y parvenir ?
- J’y crois, parce que jamais autant de gens ne se sont tenus à la frontière de ce possible. Nous sommes de plus en plus nombreux à prendre conscience du processus.
- Votre définition de l’amour ?
Une vibration qui vient du coeur et qui se transforme en sensation physique, sans être forcément liée à une seule personne. Au fur et à mesure que cette dimension se développe chez quelqu’un, elle va s’étendre à tout le monde. C’est ce qu’on appelle la compassion dans le bouddhisme. C’est le meilleur de chacun qui peut entrer en relation avec le meilleur de chacun. Il se passe quelque chose qui donne une profonde satisfaction ; tout le contraire du manque et de la frustration.
- Vous posez une série de question dont : » Allons-nous quitter la souffrance et la crucifixion pour entrer dans le plaisir d’exister ? » Qu’en pensez-vous ?
- C’est une intuition que j’ai eue très jeune, qu’après s’être nourrie et enrichie à travers la souffrance, la civilisation allait découvrir que le bonheur et le plaisir étaient des sources de créativité bien aussi grandes, que de plus en plus de créateurs découvriront l’immensité de l’extase. J’y, crois encore, mais après avoir moi-même traversé les écueils de ma vie, je me rends compte qu’être quelqu’un qui ne fait pas entrer la souffrance dans sa vie demande beaucoup de connaissance de soi. Ce n’est pas si simple.
Entretien réalisé par Jef Gianadda
Le Matin, Octobre 97
