Trois forces fondamentales dynamisent les êtres dans tous les règnes de l’Univers : les idées, les désirs et les actes. La plus haute vision que nous avons de ces trois forces est, pour la première, celle de l’Esprit suprême, le verbe sacré, penseur de la vie, l’inconnaissable Intelligence divine, le Père, l’architecte de l’univers : la tête. La seconde est l’amour, la Déesse, le magnétisme qui maintient la cohésion entre les mondes : le cœur. Et finalement, en troisième, la puissance, le mouvement, l’action : la force. De l’union des trois peut naître un dieu. Ces moteurs sont en nous et nous les utilisons quotidiennement, dans des buts, la plupart du temps, très dévoyés.
La force de l’Esprit, par exemple, est parfois exploitée pour élaborer des plans maléfiques : les recherches nucléaires, la science matérialiste en général qui nie la dimension spirituelle des êtres, ne les considérant qu’en tant que corps de matière évoluant dans un Univers hasardeux. Toutes les dérives intellectualistes déconnectées du cœur sont des usages détournés de la force créatrice de la pensée. En effet, les « fonctions créatrices » auxquelles font référence les écritures bibliques sont bel et bien les forces de la pensée, dont les premiers pouvoirs sont la capacité de conception et de création. La procréation obéit à des lois analogues pour engendrer des corps formels, mais là n’est pas la déviance suprême de l’humanité. Son « péché » est avant tout dans l’usage pervers qu’elle fait de son mental, détournant son esprit de la contemplation de Dieu, l’appliquant exclusivement à la matière, et à la satisfaction égocentrique, souvent à l’encontre de la vie. La pensée nous a été donnée pour nous relier au divin, non pour l’exploiter à des fins égotiques. Le mental est un feu ravageur s’il n’est pas équilibré par le cœur au service d’une action juste.
La force du cœur est celle de l’amour. Nous parlons ici d’amour divin, à ne pas confondre avec la sentimentalité humaine. L’amour pour les dieux a été détourné en sentimentalité, en attachement à des formes périssables, en vampirisme affectif. L’amour peut soulever des montagnes, la sagesse populaire le sait bien. Une mère dont l’enfant est en détresse puise en elle des ressources insoupçonnées. Mais cette force éminemment puissante, si elle est sollicitée pour des buts égocentriques, peut entraîner crimes et passions. L’amour humain est versatile, il entraîne, avec ses joies et ses plaisirs fugaces, un versant antagoniste de souffrance et de trahison. L’amour qui n’est pas orienté par une compréhension juste est un gouffre de déperdition d’énergie. L’amour désintéressé, sans être naïf, voilà la véritable propulsion du cœur. Mais sa pratique est très difficile.
KARMA
La troisième force est celle de l’action. En sanskrit, « action » se dit karma. L’action est donc le ferment de notre destinée et entraîne inévitablement le karma. Cela est logique, en agissant, nous engendrons des effets, qui nous reviendront comme un boomerang. C’est la Loi.
Nous venons tous au monde avec une réserve énergétique dévolue à l’action: le karma. Stocké dans la kundalini du bassin, elle-même logée dans le sanctuaire du sacrum, le karma se diffuse petit à petit, tout au long de la vie et nous procure la force motrice. Ce moteur de propulsion est le plus actif de l’humanité: le karma nous pousse à procréer et à dépenser de l’énergie pour assurer notre survie et celle de notre déscendance. Nous faisons des erreurs et nous devons les réparer. Chacun de nos gestes est comptabilisé sous un joug implacable, régulé par Saturne ; dans ce système, l’injustice n’existe pas. Tous nos mouvements sont commandés par le karma qui nous tient comme un créancier implacable. Nous naissons là où le destin nous dépose, afin que nous l’accomplissions. Au final, le sort des humains sera le même pour tous : la mort. Alors les matérialistes s’agitent pour « profiter », les hommes de pouvoir pour « laisser une trace dans l’histoire », les dépressifs cessent d’agir par ennui ou par désespoir, mais tous accumulent un karma, qui devra être remboursé ou crédité, en cas de « bonnes » actions, dans cette vie ou dans une autre. Ainsi s’épuise le feu du sacrum… jusqu’à ce que mort s’en suive.
Comme pour les foyers du cœur et de la tête, le sanctuaire du bassin doit être orienté vers la transcendance, sinon notre force se dilapide horizontalement. Dans une voie libératrice, on cherche à poser des actes qui n’entraînent pas de comptes à rendre à l’infini, mais qui soient libres de karma. C’est seulement ainsi que nous pourrons devenir maîtres de notre destinée. Pour y parvenir, nos actes doivent être dénués d’égocentrisme. Lorsqu’on saisit le fondement dialectique de la vie terrestre, on comprend que même nos soi-disant bonnes actions peuvent porter préjudice à notre âme ! En effet, elles ne peuvent que contrebalancer le mal qu’on a pu occasionner, mais ne sont en aucun cas libératrices, tant qu’on les perpétue pour être « bien vus », pour réparer une culpabilité ou pour donner bonne conscience à notre ego. Le monde est fait de la double illusion matérielle et sentimentale. Toutes deux conduisent droit à la mort, puisqu’elles renforcent l’attachement à ce qui est périssable, les corps ou les personnalités mortelles.
Les feux de nos trois kundalini sont en train de s’épuiser. De leur bonne orientation et de leur allumage régulier dépendra le décollage de notre vaisseau de gloire. La Tradition nous enseigne que notre structure chérubinique est composée de trois paires d’ailes. Le chérubin est le messager divin. Il porte les informations des Dieux d’une dimension à l’autre. Kerub, en Hébreux, a la même étymologie que Merkavah. Cette image est parfaitement juste, puisque nos moteurs-kundalini se déploient dans une dynamique ailée. Notre âme a des ailes !
PLUSIEURS PERSONNES HABITENT NOTRE MICROCOSME
Ce serait une funeste erreur de croire que notre petite – ou grosse ! – personnalité soit la seule présence active au sein de notre Merkavah. Envisageons la demeure de l’âme : au centre, logé dans le cœur, réside le germe de l’immortalité. Mais c’est une vie somnolente qui l’anime, une très faible lueur dans la nuit de l’incarnation. L’existence que nous menons dans la frénésie moderne et les préoccupations égocentriques sont un cauchemar permanent pour notre âme, Belle au bois dormant. Son prince, l’Esprit, est absent, puisque notre monade immortelle réside toujours dans le monde des esprits vierges. Seule une parcelle de notre personne divine est plongée dans la matière, celle qui correspond à notre corps éthérique. Le noyau externe, celui qui circonscrit le champ de rayonnement de notre microcosme est toujours présent. Il s’agit bien du véhicule d’immortalité, issu de l’amour qui se déployait originellement entre l’âme et l’Esprit, dans la triple unité. Malheureusement, le champ où se manifestait cet amour est désert. Dans ce véhicule inactif, vivait l’enfant divin, le prince conducteur. Ce dernier doit être remis aux commandes, car il a été évincé par un parasite : l’ego. De l’asservissement de l’intrus et de la restauration du prince dépend notre Libération.
Le mythe manichéen du Chant de la Perle raconte ce drame cosmique à travers l’allégorie du fils amnésique : un roi et une reine de puissance vivaient dans un somptueux palais. Ils avaient un fils. Un jour, ils le vêtent de ses plus riches habits, lui préparent un sac de voyage plein de délicieuses victuailles et d’étoffes précieuses, et l’envoient accomplir une mission : chercher et rapporter la perle sacrée que le serpent détient dans son repaire. Fier et noble, le prince s’en va, déterminé à revenir vainqueur pour honorer ses parents. Les années passant, au fil des chemins et des pays traversés, notre beau prince use ses vêtements, il a depuis bien longtemps mangé toutes ses victuailles et vendu ses étoffes. Il est comme un voyageur errant, sans but, il a oublié sa mission. Ses parents, ne le voyant pas revenir, lui envoient des messagers, afin qu’ils le rappellent à sa mission héroïque. Le prince a perdu la mémoire, sa noblesse ne se manifeste plus par un quelconque signe extérieur, il n’en demeure pas moins fils de roi. De même, notre vaisseau contient potentiellement toute la puissance divine. Nos foyers de feu, de lumière et d’énergie ne demandent qu’à éclore à nouveau mais, pour cela, il faut accomplir une mission : retrouver et rapporter une perle sacrée aux dieux en vainquant le Serpent. Il y a un combat intérieur à mener contre la personnalité inférieure pour réanimer notre conducteur divin. La question est de savoir quelle est l’identité du serpent usurpateur, celui qui contrôle notre égo à partir d’un centre occult…
Extraits du livre Merkavah.