L’intelligence secrète des plantes
Les plantes ne sont pas des objets inertes. Un généticien leur attribue même des facultés semblables aux nôtres : elles sauraient voir, sentir, se souvenir… Vous allez regarder vos géraniums autrement…
[EXTRAIT] Les plantes sont douées d’intelligence. Et en cela nous ressemblent. C’est ce qu’affirme Daniel Chamovitz, un généticien de l’université de Tel-Aviv pour qui la frontière entre les règnes végétal et animal est ténue. Si ténue qu’au vu des découvertes récentes en biologie végétale, on peut considérer que les plantes, sans cerveau ni neurones, sont capables d’interagir avec l’environnement à l’aide de sens identiques aux nôtres et de garder la mémoire des événements, ce qui les fait entrer dans la catégorie des êtres conscients. Vous n’y croyez pas ? Attendez de lire la suite, que Chamovitz consigne scrupuleusement dans « La Plante et ses sens »…
Le prince Charles emploierait, dit-on, une partie de ses loisirs à parler à ses plantes. Serait-il l’une des innombrables victimes du fameux livre de Peter Tompkins et Christopher Bird, ce « plaisant méli-mélo de vraie science, d’expériences bidons et de mystique de la nature qui avait enflammé les adeptes de la pensée New Age dans les années 1970 », dont Michael Pollan explore l’héritage dans une enquête du New Yorker ?
En fait, la notion d’« intelligence des plantes », fondée sur la mesure de leur stress face à la « douleur », a vite fait figure de calembredaine. « No brain, no pain » : les plantes n’ont ni cerveau ni même véritable système nerveux, a-t-on fait valoir dans la communauté scientifique. « Elles peuvent se nourrir avec de la lumière, n’est-ce déjà pas assez ? » clama le biologiste Tim Plowman, cité par Pollan. Pourquoi vouloir leur conférer en plus intelligence, voire conscience ?
Parce qu’elles en ont probablement, répondent aujourd’hui les adeptes de la « neurobiologie végétale ».
Les plantes ont le sens de l’ouïe, elles savent se mouvoir et communiquer, elles ont l’esprit de famille et elles ont même de la mémoire ! En un mot : ce sont des êtres intelligents. Telle est l’étonnante découverte de biologistes, dont les travaux révolutionnent totalement notre regard sur le monde végétal. Ainsi s’est peu à peu constituée une nouvelle branche de la physiologie végétale, inspirée de la zoologie et basée sur l’observation objective du comportement des plantes.
Des dispositifs de plus en plus ingénieux permettent d’épier les racines, dont le rôle est essentiel. Cette exploration des capacités sensorielles et comportementales des plantes a d’abord révélé l’extrême sensibilité végétale, comparable, voire supérieure à celle des animaux.
Concernant la lumière, les plantes détectent à la fois des longueurs d’ondes (dans l’ultraviolet et dans l’infrarouge) que nous ne voyons pas, et des intensités si faibles qu’elles nous sont imperceptibles. Leur sens du toucher est sidérant : elles réagissent à des effleurements insensibles et détectent la moindre inclinaison des branches ou des racines.
Au-delà de la perception, l’éthologie végétale a surtout révélé que les plantes agissent, loin de l’image d’objet inerte qui leur colle à la peau, en modifiant sans cesse leur forme et leur composition chimique.
Grâce aux bouquets de composés qui s’envolent du feuillage ou des signaux chimiques émis par les racines, les plantes s’envoient des messages à elles-mêmes d’une branche à l’autre, « parlant » à leurs congénères alentour, convoquant les insectes prédateurs de leurs agresseurs.
Elles ont un comportement social et distinguent le soi du non-soi, les membres de leur espèce des autres, et rivalisent plus ou moins âprement avec leurs voisines selon leur degré de parenté. En ce sens, on peut parler de familles et de tribus.
Des expériences très variées, réalisées un peu partout dans le monde sur différentes espèces, révèlent toute une panoplie de comportements qu’il est difficile de ne pas qualifier d’intelligents.
Les arbres bougent pour s’adapter à leur environnement
Les cellules qui constituent son tronc s’allongent et se ramassent en permanence pour corriger sa posture, se servant de la pression qui règne en leur sein comme un moteur. La paroi joue un peu le rôle d’un muscle.
Les arbres ont le sens de l’équilibre
L’oreille interne des arbres
Certaines cellules abritent des grains d’amidon qui, se déplaçant en fonction de la gravité, les informent de leur inclinaison. Les arbres disposent de capteurs qui mesurent la variation de la pente le long de leur tige : leurs cellules s’influencent de proche en proche le long du rayon de la tige et sont ainsi capables de sentir sa courbure locale.
Les plantes combattent leurs agresseurs
Attaquées par des insectes, certaines plantes préviennent leurs gardes du corps : elles envoient des messages chimiques aux prédateurs de leur agresseur.
On savait que les acacias ou les peupliers, broutés par des ruminants, produisent des tanins qui rendent leur feuillage moins ragoûtant. Ian Baldwin a dénombré prés de 950 composés que le tabac sauvage produit en réaction à une agression. Si certains sont des toxiques connus, comme la nicotine qui est un paralysant musculaire, la fonction de la majorité de ces composés est inconnue.
La mémoire
Le tremble se souvient d’un coup de vent pendant presque une semaine. Trente minutes après que la branche de l’arbre a été pliée, l’expression d’un gène, jusqu’alors inactif, se déclenche.
Cependant, lorsque la torture se répète chaque jour, ce gène cesse de s’exprimer. Et il faut attendre entre cinq et sept jours de repos pour qu’il soit prêt à se déclencher à nouveau.
Le sens du toucher
Le concombre anguleux n’a pas l’équipement enzymatique nécessaire à la fabrication du bois : s’il s’élève de plus d’une trentaine de centimètres, sa tige se ploie et il se retrouve au ras du sol, confiné dans une lumière médiocre. Il doit donc s’agripper à d’autres plantes pour s’élever.
Afin de les trouver et de s’y accrocher, Sicyos angulatus a développé des organes d’une sensibilité au toucher fantastique : les vrilles, qui, telles des mains aux doits déployés, tournoient en s’allongeant, cherchant la rencontre avec un support salvateur autour duquel s’enrouler. Ce ont les protéines membranaires qui à chaque stimulation mécanique libèrent un flux d’ions calcium qui informe la cellule du contact.
Le sens de l’odorat
Pour la cuscute, c’est une question de survie, elle flaire sa proie. Dépourvu de chlorophylle, ce parasite doit trouver une proie dans les soixante-douze heures suivant sa germination, puis s’allonger vers elle jusqu’à y enfouir sa pointe et en sucer la sève.
Sans victime à sa portée, la tige s’allonge au hasard; mais qu’un plant de tomate se trouve à proximité, et la cuscute l’attaque en une vingtaine d’heures à peine. Plus éloquent encore : elle fonce avec la même fougue sur un leurre parfumé à l’extrait de plant de tomate ! Placée à mi chemin entre un plant de blé et un plant de tomate, la cuscute se dirige toujours vers la juteuse tige de tomate. Qui plus est, placée entre un plant de tomate sain et un autre attaqué par des bactéries, elle fond sur la tomate saine.
Le sens de l’ouïe
Le maïs capte les sons. Ce phénomène a été testé en laboratoire.
L’ouïe est une autre façon de communication moins coûteuse en énergie que l’émission de composés organiques.
Les arbres émettraient aussi certains sons, et plusieurs équipes s’intéressent déjà à cette étrange audition végétale.
La solidarité
Les vieux arbres maternent les plus jeunes, le plus souvent issus de leurs graines. Les « arbres mères » donnent de la nourriture aux plus jeunes via les racines. Cette nourriture est également transportée par les mycorhizes, des champignons du sous-sol qui relient les racines des arbres.
La communication
La communication par voie aérienne entre plantes s’est avérée très répandue. Les plantes s’alertent par l’émission de composées volatiles. Mais des signaux souterrains circulent aussi.
Lorsque la tomate tombe malade, elle prévient ses voisines via un message transporté par un champignon racinaire. En présence du champignon racinaire, la tomate saine se met à produire des enzymes de défense, habituellement synthétisées lors des attaques. A l’inverse, si la mycorhize est absente, les défenses de la tomate saine ne sont pas mobilisées.
On sait que les plantes émettent des composés volatils en permanence, et qu’à chaque stress, la comp-que ce cocktail change
L’esprit de famille
De nombreuses plantes sont capables de reconnaître si leur voisin est de leur famille ou de la même espèce. Cette faculté semble venir des exudats, ces cocktails de molécules sécrétées par les racines, dont les fonctions sont multiples, allant de la dissolution de la roche à la nutrition des bactéries amies.
On sait que les plantes émettent des composés volatils en permanence, et qu’à chaque stress,
la composition de ce cocktail change.
Les conseils du Pr Mihalyi Csikszentmihalyi
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