Erich Lancaster nommé « Erich Water Standing Bear », Amérindien demi-sang Tuscarora, a partagé la vision de sa tradition.

QUI SONT LES TUSCARORAS : Originaires de la Caroline du Sud, ils sont de langue et de culture iroquoise. Chasseurs et cultivateurs de maïs, de courges et de haricots, ils habitaient dans de longues maisons rectangulaires. En 1708, leur chef, King Hancok se montra amical et bienveillant avec les colons anglais qui arrivaient. Cependant, ces derniers leur prirent les meilleures terres et en firent des esclaves. Ces rapts et raids guerriers firent beaucoup de morts. En 1712, les colons, aidés d’autres indiens Catawbas, assiégèrent le village principal de K.Hencok. Il se rendit contre un engagement de ne pas prendre des Tuscaroras pour esclaves,. Les engagements ne furent pas tenus.
En 1713, les survivants fuirent vers le Nord où ils demandèrent de l’aide à la ligue des 3 nations créée par les Iroquois qui s’appelaient alors les Haudenausée, ce qui qui signifie « Peuple de la maison longue ».
En 1722, les Tuscaroras seront la sixième nation de la ligue, avec les mêmes droits que les premiers. Originaires des Appalaches. Ils ont migré (de force) au Canada où ils vivent dans l’exode permanent. Etant de pacifiques agriculteurs, ils sont un peu les gitans de l’Europe. Les Mawahks, par exemple, sont beaucoup plus nombreux et de nature combative ; de ce fait, ils ont davantage de moyens pour réagir. L’exode s’est fait dans trois directions ; les Appalaches, l’état de New York et le Canada.
Le gros problème de la Caroline du Sud est d’avoir un sous-sol qui regorge de gaz. Les autochtones ont été expulsés dès la fin du XVIIIème et début du XIXème siècle à cause de l’exploitation du gaz par les Etats-Unis. Aujourd’hui, à New York, deux chefs représentent la nation Tuscarora : Start Paterson pour le clan des castors et Kenneth Paterson pour le clan des loups. Ce sont eux qui sont habilités à traiter entre le Conseil tribal et les autorités gouvernementales.
Aujourd’hui, certaines familles Tuscaroras se sont fédérées avec des familles Haïdas Gwaii afin de mener conjointement des projets et ainsi de mieux se faire entendre.
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Pendant qu’un moine bouthanais réalisait un mandala de sable dédié à la guérison de la Terre, Erich Lancaster éclairait les bouleversement terrestres au travers des « Vision Quest » (Quête de vision qui font partie intégrantes des traditions amérindiennes depuis des millénaires.
Il commença par préciser que les phénomènes de pollution et d’exploitation excessive par l’homme n’expliquaient pas, à eux seuls, cette étape terrestre si cruciale. Il ne s’agit pas uniquement d’un problème environnemental causé par l’homme, mais d’un véritable cri de la Terre-Mère. Ce qui est en train de se dérouler n’appartient pas simplement à notre époque. Cela s’inscrit dans un plan bien plus vaste. Dans la tradition Tuscarora, Terre-Mère se manifeste régulièrement. Les cycles sont d’environ 60 ans. Il y a déjà des milliers d’années, la Terre-Mère avait poussé un cri en voyant les Hommes s’éloigner d’elle. L’un des cris eut lieu quand les nations deviennent sédentaires, c’est-à-dire à l’arrivée des Espagnols, lorsque ceux-ci implantèrent leur agriculture et leur élevage. La majorité des Amérindiens était auparavant nomade. En 2004, La Terre-Mère a de nouveau alerté les humains par des bouleversements importants car ses précédents appels n’avaient pas été entendus.
CONSCIENCE ORIGINELLE
Des bouleversements planétaires liés à un processus de nécessaire d’ouverture de conscience pour l’humanité; cela a légèrement fait sourire notre homme car pour les Tuscaroras ? tous les êtres humains naissent avec une conscience : « La Terre-Mère ne met pas au monde des enfants sans conscience. C’est plus tard, devenu adulte, que l’homme choisit ce qui’ veut faire de sa conscience ». Le grand chef Seattle a dit : « Les adultes sont des enfants qui portent des costumes ». Cela a beaucoup fait rire les autochtones, mais derrière cette phrase se cache une grande vérité. Enfant, nous avons la conscience puis en devenant adulte, nous faisons des choses de plus en plus intellectuelles qui s’appuient beaucoup sur le mental et nous nous éloignons de cette conscience originelle.
Que ce soit en Europe, en Afrique ou en Australie, la difficulté, aujourd’hui, pour les hommes qui traitent des problèmes complexes, est de ne plus être relié à leur conscience. Pour certains, ils ignorent même le chemin pour la retrouver.
Aujourd’hui, beaucoup de personnes cherchent des racines dans d’autres traditions ou dans d’autres pays. C’est ainsi que certains traversent l’Atlantique jusqu’à des nations amérindiennes pour en retrouver le chemin. Les nations amérindiennes respectent et sont admiratives des racines de toutes les traditions, mais cette démarche occidentale reste un étonnement pour eux.
VISION TUESCARORAS sur les bouleversements terrestres d’aujourd’hui
En cherchant davantage de liberté, les enfants de la Terre se sont coupés de leurs racines. La Terre-Mère ne reconnaît plus ses fils. Ce cri présent de Terre-Mère est lié, chez les Tuscaroras, à la prophétie de la loutre.
Il y a très longtemps, les loutres sont apparues dans le plus ancien village de l’île de la Reine-Charlotte, là où il n’y en avait jamais eu. Elles ne trouvaient plus de quoi se nourrir. Pour les autochtones, ce fut un signe de Terre-Mère car un esprit qui se manifeste montre qu’il souffre et est en danger. Il est nécessaire de ré-accorder au Grand Esprit. Aujourd’hui nombre d’espèces comme les baleines sont en voie de disparition… autrefois, les îles de la Reine-Charlotte en regorgeaient.
L’agriculture et l’élevage intensifs sont arrivés aux limites du vivant. Les sols sont détériorés, voire morts sur une grande superficie planétaire. Comment la Terre peut-elle nourrir ses enfants si ces derniers la tuent ?
Les cultures intensives ne respectent pas la terre et les hommes l’exploitent sans conscience.

INTERVIEW avec Erich Lancaster
Sacrée Planète : Comment répondre au cri de Terre-Mère ?
Erich Lancaster : En étant fier de ses racines et en respectant nos ancêtres qui ont toujours viellé sur Terre-Mère.
SP : Quel est le message que vous voulez communiquer en faisant des conférences en France ?
E.L : Le grand Esprit cherche à rassembler les peuples au-delà de leurs religions, de leurs traditions ou de leurs dogmes. Pour sauver Terre-Mère, il semble nécessaire d’abandonner provisoirement, les séparations que les différentes croyances ont peu à peu créées. Cela signifie de garder nos valeurs fondamentales et d’accepter de laisser de côté les formes que celles-ci ont prises. Principalement, les formes qui génèrent des discriminations. Il devient urgent de nous rassembler. Mon message est tout à fait positif. Toutes les traditions et les religions sont concernées. Cela implique une plus grande ouverture.
SP : Les religions en sont arrivées à une forme qui ignore les liens de l’être humain avec Terre-Mère ? Pourquoi ?
EL : Parce que l’homme s’est cru supérieur à la Nature. C’est pourtant la Terre qui l’a mis au monde et le nourrit chaque jour. L’homme a cherché à la dominer, à la maîtriser. Les différents courants spirituels ont poussé l’homme à regarder vers le ciel, oubliant ses pieds, ses racines. Il est nécessaire de retrouver un équilibre avec la tête dans le ciel et les pieds sur terre. Certaines voies spirituelles ont nié le corps humain. Il faut nourrir autant le corps que l’esprit et retrouver l’équilibre entre les deux. Terre-Mère pleure, et l’énergie essentielle à la vie est plus importante que tous nos concepts spirituels, qu’ils aient pris la forme d’une religion ou d’une philosophie.
Savez-vous pourquoi les Amérindiens luttent contre l’alcool ? C’est parce qu’il fait perdre l’esprit, certes, mais également perce qu’il fait souffrir le corps. Il est temps de reprendre conscience que la nature est primordiale dans l’évolution de l’Homme. Terre-Mère supporte toutes les civilisations et le réveil est aujourd’hui planétaire. L’humanité retrouve de plus en plus sa conscience.
SP : Pourquoi les Amérindiens lancent-ils un message au monde ?
EL : Parce que nos gardiens de sagesse n’ont jamais coupé le lien avec Terre-Mère. Ils ne se sont jamais coupés de leurs racines. Les traditions autochtones ont ce savoir depuis toujours, mais qui les écoute ? Il est très intéressant de remarquer qu’aujourd’hui, même le XVIIè Karmapa Orgyen Trinley Dorjé s’intéresse ouvertement à l’écologie.
SP : Comment les Tuscaroras vivent-ils ces grands bouleversements ?
EL : Timbergen, un chef de 83 ans, des Wide Wini (groupe de chamans), élu au Conseil tribal de New York, a exposé la question cruciale sur le rassemblement des différentes nations amérindiennes pour pouvoir répondre plus efficacement à cet appel de la Terre. Les familles autochtones sont aujourd’hui dispersées et les voyages coûtent cher. Les gardiens de la tradition orale sont de moins en moins nombreux. La grande question, pour nous, est : « Pouvons-nous garder la tradition orale ou faut-il écrire pour pouvoir travers ces temps bouleversés ? » Il devient important de préserver les tribus les plus pauvres, car ce sont elles qui restent les plus proches de nos racines et de nos origines. Elles ont un lien évident et nourri avec Terre-Mère. Au Canada, le gouvernement a donné des subventions aux Inuits parce que l’Unesco a médiatisé leurs grandes difficultés… Mais cette aide a engendré des répercussions désastreuses pour toutes les autres nations amérindiennes du Canada. En ffet, le gouvernement ne donne plus aucune aide aux autres nations, allant même jusqu’à leur enlever des droits pourtant acquis il y a très longtemps. Pour les Tuscaroras, ce sont certaines terres données dans le passé qui sont aujourd’hui reprises.
La réponse au cri de Terre-Mère commence par le rassemblement des différentes nations amérindiennes. Les querelles identitaires ne peuvent pas prendre le pas sur la souffrance de Terre-Mère. Cela demande de savoir abandonner certains principes et traditions. La vie de tous les êtres humains en dépend. C’est ensemble que nous trouverons des solutions pour Terre-Mère. En 2010, les actions sont menées avec le concours de Judith Christensen (Suède) en charge des missions pour l’UNESCO sur Paris-Etats-Unis-Canada et Tahiti. Nos actions sont d’ordre politique et elles visent principalement la protection historique des lieux ayant appartenus à nos ancêtres et à d’autres nations. C’est une façon pour nous de conserver des territoires contre toute destruction. Malheureusement, les Etats-Unis se sont récemment désengagés financièrement des projets de reforestation de ces terres menés par l’UNESCO et son sortis du système.

SP : Quels sont les projets et réalisations que vous menez aujourd’hui ?
EL : D’importantes superficies de nos anciennes terres ont été achetées par de très grosses sociétés d’exploitation du bois et la Caroline du Sud subit une intense déforestation. Le Conseil tribal a décidé de mettre l’effort sur la reforestation… Même si les terres ne nous appartiennent plus. C’est bien là un épineux problème car le Conseil tribal a voté pour ce projet et l’état fédéral ne l’a pas entériné. L’UNESCO a reconnu le projet du Conseil tribal des Wide Wini (Tuscaroras et Haïdas) et a nommé une représentante internationale, Madame Audemard. De mon côté, grâce à mes liens avec la France (je suis marié à une Française et vis la plupart du temps en France) je participe au projet en faisant des conférences et lorsque je reçois des dons, je les transmets à Madame Audemard.
Je fais des conférences en France parce que Grand Esprit me l’a demandé et non pour répondre à la demande d’une organisation. C’est ma « Vision Quest ». Mon action est déterminée par un appel du Grand Esprit.
Le projet de la fédération entre certains Tuscaroras et Haïdas est de reboiser l’île de la Reine-Charlotte, avec des cèdes rouges. Si vous voulez nous aider, vous pouvez faire un don pour un arbre. C’est l’essentiel pour nous aujourd’hui ; le reforestation qui aidera Terre-Mère et qui permettra notre survie. Pour vos dons, reportez-vous à l’article « HAIDAS GWAII« . J’ai créé l’association « Terres et racines » pour recueillir les dons qui sont intégralement reversés à Madame Audemard de l’Unesco.
SP : Pourquoi la reforestation est-elle si importante pour vous ?
EL : Les cèdres rouges font partie de rituels très importants dont celui de la cérémonie du Kayac. Il nous a été donné par le Grand Esprit. Il faut presque 400 ans pour qu’un cèdre rouge soit à maturité pour ce rituel. Il permet une pêche auspicieuse en lien étroit avec les Esprits et assure de la nourriture pour subvenir aux besoins des familles. Nous sommes des peuples insulaires, donc des pêcheurs. Nous préparons du poisson séché car la fumigation purifie l’animal des mauvais esprits. Ce n’est pas simplement pour avoir du poisson durant la saison hivernale. Nous ne pensons pas ainsi. Cela part toujours d ‘une quête de vision qui est bien plus importante que des contingences humaines. Les rêves prédominent toujours sur les « pourquoi » et les « comment » humains.
SP : Un rituel comme celui du kayac a-t-il toujours un sens aux XXIème siècle ?
EL : Les autochtones Tuscaroras ne pêchent pas dans le seul but de se nourrir. Ils sont des passeurs d’âmes. Le grand Esprit leur a confié la mission de libération de l’âme des poissons. Il n’y a pas qu’un rapport de nourriture entre les animaux et les hommes. Ce n’est pas aisé pour un occidental de comprendre ce mode de pensée, mais nous ne demandons pas d’être compris. Nous demandons d’être respectés dans notre culture et libres de vivre comme nous l’entendons. Il faut dire aussi que certains de nos savoirs doivent rester secrets afin de pérenniser nos traditions.
SP : C’est notre mode de pensée différent qui rend l’entraide parfois délicate. L’aide occidentale peut parfois involontairement, causer des torts. Qu’en dites-vous ?
EL : L’aide internationale pense elle-même à nos besoins sans prendre le temps de nous consulter. Il ne faut pas oublier que ce qui est donné aujourd’hui, a forcément une conséquence sur demain. Il faut que l’aide s’inscrive dans la durée. Lors des dernières catastrophes climatiques, par exemple, il a été envoyé du riz aux autochtones sinistrés… Mais une fois que nous n’avons plus eu, il nous a fallu en redemander.. Ce n’est pas cela que nous souhaitons.
Ce qui semble bien pour vous dans l’instant, n’est pas forcément bon pour nous le lendemain. Il faut toujours penser à demain. Sans compter que nous n’avons pas le même temps que vous. Vous êtes toujours pressés alors que nous, nous avons « l’indian time »…
SP : Est-ce juste de vous aider alors ?
EL : Oui, si vous prenez la peine de nous demander, de nous écouter et de nous laisser libres de nos choix d’aide… A Alberta, dans le Conseil, il est dit que les solutions aux problèmes amérindiens peuvent venir de l’autre côté de l’océan. Déjà, dans le passé, ce sont des Hollandais qui ont attribué certaines terres aux autochtones. Il est vrai que les aides américaines sont vraiment très difficiles à obtenir pour nos peuples. Avec un don de 22 euros, un cèdre sera planté et nous pourrons payer l’ouvrier qui s’en occupera dans la durée. Ainsi nous donnons du travail et une rémunération aux jeunes autochtones. C’est important que nos jeunes puissent recevoir un salaire généré par leur travail.