Sauvons la biodiversité
! par Philippe Desbrosses !
Chaque plante, chaque espèce vivante est un maillon de la chaîne qui nous relie et nous protège de la disparition… Nous assistons actuellement à une extinction massive des espèces végétales qui ébranle les fondements de la vie sur terre.
La disparition accélérée de la biodiversité, tout comme la disparition des abeilles menace gravement la pérennité des écosystèmes et à terme, l’existence même de l’humanité. Nous savons que de nombreuses espèces et des milliers de variétés comestibles agrémentaient autrefois les espaces de cueillette, les parcelles cultivées, les jardins et les tables familiales. L’immense prodigalité de la nature nous avait gratifiés d’espèces généreuses aux appellations quasimythiques : panais, héliantis, scorsonnères, chervis, margose, livèche, crosnes, carottes, tétragone, arroches, topinambour, rutabaga, pois-asperge, roquette, raifort, physalis, salsifis, cerfeuil tubéreux, laitues diverses, melonnette, agastache, aneth, radis noir, coriandre, pourpier, persil, ciboulette, poireau perpétuel, ail rocambole, pastèque à confire, rhubarbe, piments divers, poivrons doux, tomates aux 2000 variétés, châtaignes, noix, noisettes, pommes aux milliers de variétés, estragon, origan, chicorée, concombres, haricots cocos et autres flageolets, basilics, bette sanguine, ansérine Bon Henri, courge sucrine, onagre ou jambon végétal, cardon, poirée, cyclanthère, cresson de Para, cresson des jardins et alénois, claytone, ail des ours, courges et potirons aux 1000 variétés, fèves, pommes de terre aux 3000 variétés, crambe, fraises, pimprenelle, raiponce, pissenlit, patience, oseille, oca, lentillon, pois, lupins…
comme on le voit on est loin d’épuiser les listes interminables qui figuraient encore sur les catalogues du XIXème siècle. Où sont passées ces richesses d’un fabuleux patrimoine légué par nos ancêtres, véritable mémoire vivante des éco-agrosystèmes qui stimule encore l’imaginaire de l’éternel paysan jardinier qui sommeille en nous ? En un demi-siècle seulement, la « modernité – efficacité -rentabilité » à chassé toute cette poésie rustique et ce savoir-vivre de nos terroirs pour lui substituer la pensée unique et la monoculture industrielle.
Bien sûr certaines espèces n’étaient pas connues de toutes les populations du globe et le terme « légumes oubliés » est parfois inapproprié. Il illustre cependant, à l’échelle de la planète, une réalité très préoccupante : la disparition accélérée d’un patrimoine génétique inestimable constitué et entretenu par des milliers de générations avant nous sur tous les continents, où la F.A.O. constate que 75 % des variétés comestibles ont disparu en à peine un siècle.
A ce constat nous devons réagir et agir, car c’est notre chaîne alimentaire et notre sécurité environnementale qui est menacée à court-terme.
Il faut que nos balcons, nos vergers, le moindre parterre, terrasse, ou terrain vague… deviennent les asiles improvisés de ce Bien commun qui, avec l’eau et la terre constitue notre principale ressource vitale.
En effet, demain la crise peut s’aggraver, nous pouvons nous passer d’informatique, d’aéronautique, d’automobiles et d’électro-ménager, et même de « troquets » et de « mobylettes » comme dirait Coluche… mais on ne peut pas se passer de manger et de respirer.
A l’image de tout ce qui s’organise dans le monde et en France par le foisonnement d’initiatives comme les « Incroyables Comestibles », « Les colibris » ,« Femmes semencières », « Terres de liens », « Graines de troc », « Slow food », « La ruche qui dit oui », « Brin de paille », « Disco-soup », « Slow money », « Kiss Kiss Banck », « Sikana », « Kokopelli », le réseau « Semences Paysannes », « Terre et Humanisme », et une multitude d’innovations citoyennes que nous n’avons pas la place de citer toutes ici, mais qui déferlent chaque jour sur la toile et démontrent que la société civile s’est emparée de son destin, pour reconstruire un monde d’espérance, de solidarité et de sauvegarde quand s’effondrent les structures obsolètes du vieux monde en perdition.
Nous lançons en commun cet appel pour un grand élan culturel et social en faveur d’une reconquête de l’autosuffisance alimentaire, de la relocalisation des productions, de la sauvegarde des ressources phyto-génétiques et de l’environnement.
Nous espérons être rejoints et rejoindre ceux qui oeuvrent déjà dans cette campagne de sensibilisation et d’action pour la biodiversité en nous fédérant autour de la devise « Liberté – égalité – fraternité – biodiversité »* (*suggérée par Olivier Maurel). La « biodiversité » étant probablement la prochaine valeur humaniste à conquérir, car elle fait appel à la nécessité d’accepter comme une richesse, toutes nos différences pour que ce monde se guérisse du réductionnisme, du racisme et de l’uniformisation qui appauvrissent et dégradent nos écosystèmes.
- Rompre avec la « Pensée Unique » qui produit des esclaves et des monstres.
Nous pensons qu’ une symbiose entre les projets et les acteurs, partageant les mêmes valeurs, aurait une grande efficacité pour créer des liens et renforcer la caisse de résonnance auprès d’un public déjà fortement mobilisé par ces enjeux.
Nous envisageons de lancer un plaidoyer global pour la défense et la valorisation de la biodiversité, réunissant des acteurs historiques et de nouveaux entrepreneurs du « secteur » y compris d’une manière plus large avec, tous ceux qui contribuent à la réhabilitation de la qualité de la nourriture, à l’art de la cuisine, à l’éducation du goût, aux partages des recettes et des savoir-faire traditionnels, à la convivialité, à la découverte d’un nouvel art de vivre fondé sur la réciprocité, la qualité et la solidarité.
Le but de cet appel initié par les fondateurs historiques de Incredibles Edibles en Angleterre, et repris par la France aujourd’hui, sous l’impulsion de François Rouillay, est de proposer un nouveau paradigme pour 2018 : l’autonomie et l’autosuffisance alimentaire pour toutes les familles modestes dont 80 % des besoins pourront être satisfaits localement.
Promotion des circuits courts et des agricultures urbaines et vivrières avec comme objectif complémentaire la réponse aux drames du chômage et de la pauvreté.
Il s’agit en fait d’un plan ORSEC pour faire face aux nouveaux défis de la « malbouffe » et de la désintégration du tissu social auxquels vont etre confrontés de manière aigüe, les élus de toutes tendances et de toutes régions, avec l’obligation de refonder les politiques publiques d’aménagement des territoires sous peine d’une explosion sociale irrépressible.
Déjà de nombreuses municipalités et collectivités territoriales mettent en oeuvre, ou soutiennent, des initiatives d’agricultures urbaines, de jardins collectifs, de circuits courts, de développement éthique et solidaire pour redonner l’auto-suffisance, l’espoir et la dignité aux familles en difficulté. Dans nos modèles de microagricultures bio-inspirées et très productives on peut faire la démonstration que de petites surfaces de 100 m2 bien conduites, avec des investissements très faibles, suffisent à nourrir une famille pendant une grande partie de l’année et, avec 1000 m2 en permaculture il est possible, en plus, de dégager un « revenu d’existence ». (Réf. Etude Agro- Paris- Tech 2012 & 2013 sur la ferme bio du Bec-Hellouin en Normandie).
Dans ce programme, nous proposons avec les associations « Intelligence Verte », et « Mille Variétés Anciennes » de mettre en commun nos expériences et nos collections de graines « natives » (reproductibles) au service des acteurs et des promoteurs de la biodiversité.
Nous pouvons amplifier cette opération avec l’aide de mécénat et de fondations qui apporteront les moyens nécessaires à la production et à la multiplication des collections de variétés natives pour les mettre à disposition des groupements et des associations de jardiniers dans des conditions avantageuses.
Elles pourront ainsi se multiplier et reprendre leur rôle irremplaçable de sécurité et de souveraineté alimentaire parmi les populations. Cette démarche fait suite à notre action « Pochettes de survie – graines de première nécessité », imaginé comme un Kit Croix-Rouge, que nous avons déjà expérimenté en Roumanie et en Bulgarie en 1991 après l’effondrement de l’Union Soviétique. Nous avons participé alors à l’opération : « Une famille un jardin », « Semer l’espoir » auprès de 200.000 familles qui n’avaient plus l’élément principal, nécessaire à la reconquête de leur auto-suffisance alimentaire : LES SEMENCES…
Cette opération fut un succès. Elle a apporté le réconfort et la subsistance à des populations très affectées et menacées de disette.
- Qu’en est-il aujourd’hui ?
Le constat d’abandon des productions vivrières dans de nombreuses régions du monde, corrélé à des catastrophes naturelles et à d’autres facteurs conjoncturels doit faire prendre conscience de la vulnérabilité des populations, même en cas de crise mineure. Notre sécurité alimentaire, nos ressources phyto-génétiques, l’épuration de l’air et de l’eau, la régulation du climat, la protection des sols, les paysages, l’énergie renouvelable, le bois d’oeuvre, les textiles naturels, toutes ces fonctions dépendent des espèces végétales.
Or nous perdons chaque jour des dizaines d’espèces. C’est la plus grande extinction massive depuis la disparition des dinosaures.
Notre projet de kit semences « Pochette de survie – graines de première nécessité » a pour ambition affichée de restaurer le patrimoine génétique, véritable mémoire vivante de l’humanité, mais aussi de permettre aux populations en difficulté de retrouver les bases d’une reconquête nutritionnelle et d’une autonomie durable en leur procurant les semences adaptées à leur autosuffisance et à leur situation.
Ce projet est le fruit d’une expérience de 30 années de travail organisé sur la Ferme expérimentale de Sainte Marthe en Sologne avec différentes O.N.G. et le conservatoire de mille variétés en collection.
Maintenir et diffuser ce patrimoine génétique de part le monde doit être une aventure grandiose menée comme un programme humanitaire.
Le programme « Une Famille, un Jardin » se propose, au delà de la transmission de ses kits de survie via ses formations et sa dimension pédagogique, d’aborder et d’intégrer toutes les problématiques liées aux ressources hydriques, à la protection des sols et à l’utilisation des énergies renouvelables.
Il a pour objet de fournir aux populations en difficultés, des espèces adaptées aux contextes agronomiques, pédoclimatiques et socio-culturels des régions concernées.
N.B. : A l’époque nous n’imaginions pas que la France serait rattrapée par le vent de l’histoire et que les effondrements économiques successifs de ces dernières années la plongerait dans une situation de vulnérabilité et de paupérisation identique à certaines régions de l’Europe de l’Est, d’Afrique d’Asie ou d’Amérique Latine… C’est pourquoi nous allons nous efforcer de réunir les moyens de notre ambition et nous faisons d’ores et déjà un appel solennel à toutes les bonnes volontés, aux particuliers qui souhaitent s’engager et à toutes les institutions, entreprises et fondations qui voudront bien contribuer à cette belle aventure humaine.
Contact : info@intelligenceverte.org
www.intelligenceverte.org
Les Entretiens 2014 : La Forêt qui pousse… 26, 27, 28 Septembre 2014 « Que le fracas de l’arbre qui tombe ne fasse pas oublier le murmure de la forêt qui pousse » www.entretiensdesologne.org

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