Le corps, reflet de l’esprit
Définir ce qu’est le corps d’un être humain me paraît inutile, car il est, en tant que réalité physique perceptible et tangible, connu de tous. Il est en revanche nécessaire de revenir sur les notions d’âme et d’esprit, sans entrer toutefois dans un discours théologique ou religieux. Ce n’est ni mon propos, ni l’objectif de cet article qui vise à montrer comment la pratique thérapeutique peut s’inspirer d’une vision de l’être humain radicalement différente de celle qui a cours actuellement dans nos sociétés.
Cartographie de l’âme et du corps
L’esprit est un état de référence à la fois très élevé et simple à percevoir. Il se traduit par une cohérence de l’individu entre ce qu’il est, ce qu’il fait, et le contexte dans lequel les événements se déroulent. La psychologie nous permet de le subodorer, puisque l’on constate que lorsque nos actes au quotidien sont en cohérence avec nos aspirations profondes au niveau inconscient, nous connaissons un état d’équilibre et d’harmonie. Nous avons tous connu des phases dans notre vie où nous nous sommes sentis étonnamment bien, en prise avec le monde, en paix, en tranquillité. Ce sont des signatures de cette cohérence.
« Il y a une cartographie relationnelle entre les zones du corps et les zones de l’âme. »
Pensons à tous ces moments où l’on est dans sa vie à côté de ce qu’on devrait être et faire. Lorsque nous n’avons pas agi en notre âme et conscience, ne ressentons-nous pas un malaise ? Et ce malaise a une conséquence et une réalité physiologique. Répété, le comportement finit non seulement par s’inscrire dans le corps, mais par le léser, et en particulier les zones corporelles en relation avec cette structure particulière de l’âme. En cela, l’âme est comparable à la colonne vertébrale. Selon la zone de la myéline qui est lésée, c’est telle ou telle partie du corps qui ne fonctionnera pas bien. De la même façon, selon le pan de l’âme qui a été blessé de façon répétitive, des conséquences physiologiques se produiront dans telle ou telle partie du corps. Prenons l’exemple d’un événement vécu comme une trahison ou un abandon. Ces notions s’imprègnent dans la structure profonde de la personne. Sur le plan psychique et sur un plan plus spirituel, cela signifie qu’on ne peut plus s’appuyer sur celui ou celle qui a trahi. Les jambes, qu’on utilise pour aller vers les autres, et leur point d’appui, les hanches et le bassin, sont en résonance avec cela. Lorsqu’on est amené à soigner des personnes qui ont des problèmes de hanche – arthrose, douleur etc. – il est troublant de constater qu’elles font souvent émerger un vécu de trahison et d’abandon. Il y a donc une cartographie relationnelle entre les zones du corps et les zones de l’âme. Nous sommes là en présence d’un système non pas magique, mais biochimique, qui fait le lien et l’interface entre ce qui passe dans les structures de l’âme et dans la réalité corporelle.
Insight
En thérapie, dans toute la phase de l’entretien, de la discussion, le rôle du praticien va être de décoder les tensions physiques, d’aider le patient à donner sens à ce qui lui arrive, et de le reconnecter avec ce qui est élevé et subtil en lui. C’est une méthodologie qui défroisse l’âme, même si elle peut amener parfois à donner sens à la pire des erreurs. L’enjeu pour le patient, c’est d’avoir ce qu’on appelle en psychologie un « insight », ou dans les religions « une révélation », ce moment de reconnexion avec le sens que recouvre la douleur physique en fonction d’un comportement qu’on a eu.
Signatures d’acceptation
La notion d’esprit est également importante dans les techniques énergétiques, en particulier lorsqu’on travaille sur le champ qualitatif le plus élevé. En médecine traditionnelle chinoise, un certain nombre de points sur tous les méridiens permettent de travailler non pas la quantité d’énergie mais sa qualité, sa dynamique ou valeur fréquentielle. Ce champ du qualitatif se subdivise en deux champs. L’un a trait au qualitatif basique et simple : par exemple, on va cadrer une présence de feu excessive qui se traduit par une sorte de tension émotionnelle. Dans un deuxième champ plus sophistiqué, on peut travailler sur ce que je qualifie de « signatures d’acceptation ». Ce type de travail consiste à amener l’individu à accepter ce qui se joue dans son corps pour le reconnecter avec la dimension élevée de lui-même. Sans pour autant ignorer le symptôme, la nécessité de « lutter contre » lui est alors dépassée, au profit de sa compréhension dans une perspective globale. Ce niveau d’action incroyable rejoint une notion majeure dans la médecine chinoise évoluée, non symptomatique : le ciel ordonne et la terre exécute. Cela signifie que c’est du subtil que vient la racine des choses. Ce qui se passe dans le dense, dans le manifesté, est l’exécution d’un « ordre » qui a émané du subtil. Comme dans toute structure, lorsque l’exécutant n’exécute pas les ordres, il y a une tension. Dans cette perspective, la capacité de sens est cruciale. Elle suppose de prendre la chose telle qu’elle est, de l’accueillir au plus profond de soi. C’est la capacité de se distancier, parce qu’on va lui donner du sens, de quelque chose qui peut être une horreur. En réunifiant l’être, la question du sens ramène un nouveau souffle dans nos âmes et nos esprits. Elle reconstitue le lien avec le causal, rendant ainsi au phénoménal sa juste place, celle de « conséquence ». La question du sens, enfin, pacifie l’être, voire le soigne, comme je le crois profondément et comme le pensait aussi par exemple Victor Frankl, père de la « logothérapie » ou thérapie par le sens, tirée de son expérience de survie dans les camps nazis.
La liberté contre la sécurité
Dans nos vies, nous avons réduit notre champ de conscience parce que nous sommes en état de survie, voire de survivance. Autrefois, durant les moments de prière, de méditation, on arrivait à faire un peu de silence en nous, pour que des informations venant de zones un peu plus profondes puissent émerger. Aujourd’hui, le silence n’existe plus dans nos vies. La seule issue dans ces moments-là, c’est que quelque chose se mette à hurler en nous. Ça fait alors très mal.
« L’enjeu de cette réflexion sur le corps, l’esprit et l’âme, c’est de mener sa vie différemment. »
L’enjeu de cette réflexion sur le corps, l’esprit et l’âme, c’est de mener sa vie différemment, et de laisser des espaces libres et souples en nous où elle puisse s’exprimer. Nous sommes dans des sociétés et des cultures dans lesquelles tout est risque. On dit même que « ça risque de marcher » ! Il y a un virus de l’insécurité et de la peur. La perte du lien avec l’âme et l’esprit se traduit dans un domaine précis de nos vies, qui signe indéniablement la perte de confiance dans la vie et induit la tentation, la recherche absolue de sécurité. Or, on a constaté une chose : plus on est dans le mouvement, dans la liberté, dans l’autonomie, plus les choses qui en apparence apportent de l’insécurité, libèrent en fait la réalité physique, ce qui a pour conséquence une diminution des pathologies. C’est en fonction de la manière dont l’individu aménagera des espaces de respiration dans sa vie qu’il instaurera un champ de liberté.
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