L’amour divin
La totale soumission à la loi d’amour porte l’humain vers son plus haut accomplissement. Dans un sentiment indicible de liberté il se surprendra à réaliser en toute simplicité ce qu’il pensait précédemment être un miracle : aimer en étant libre de l’objet de son amour.
Pour un tel être, il n’y a plus d’opposition entre l’amour humain et l’amour divin.
Chaque instant est vécu dans l’émerveillement sans borne d’une compréhension nouvelle des êtres et des choses qu’illumine une vision d’unité prestigieuse. Un tel état d’amour, libéré de ses points d’attaches, affranchi des limites égoïstes du « moi » constitue le plus haut état de sagesse que l’homme puisse réaliser. Il embrasse l’Univers entier dans son élan. Nous dirons mieux :
Il EST l’Univers entier.
Il l’EST par un acte qui n’est pas seulement un acte de communion mais un acte d’intégration.
Il EST l’Univers entier, non en tant que manifestation extérieure de son « moi » apparent, ce qui serait absurde, mais il l’EST par son essence qui est l’essence de tous les êtres, de toutes les choses.
Par cet état d’intégration, l’homme « EST » la réalité de l’Univers extérieur et intérieur, visible et invisible qui désormais ne sera plus conçue comme distincte de lui. Un tel homme n’agit plus, ne pense plus, n’aime plus « en-tant-que-distinct ». L’homme intégré ne dit plus « Je t’aime » ou « J’aime ». Il dira « Je suis Amour » ou plus exactement l’Amour EST.
Certains Sages nous diraient : « un tel homme ne dit plus rien »… Ainsi que l’exprime le Dr. Godel (L’Expérience Libératrice, p. 210) : « L’Amour exige que soient détruits dans l’ultime consommation l’amant et l’aimée, tandis que lui seul subsiste sans partenaire dans la pureté de sa flamme ».
C’est un langage très semblable qu’employait Krishnamurti au cours de ses conférences à la Sorbonne en 1950. Nous lisons p. 104 : « L’amour est une flamme sans fumée. La fumée est tout ce que nous connaissons si bien : la fumée de la jalousie, de la colère, de la dépendance, de l’attachement, des mots « personnels ou impersonnels ». Nous n’avons pas la flamme, mais nous connaissons si bien tout ce qui concerne la fumée. Toutefois, il n’est possible d’avoir la flamme que lorsque la fumée n’est pas. Cessons donc de nous préoccuper de l’amour, de savoir s’il est au delà de la pensée et de la sensation ; libérons nous plutôt de la fumée, de la fumée de la jalousie, de l’envie, de la séparation, du chagrin, de la douleur. Et lorsque la fumée ne sera plus, alors seulement connaîtrons-nous, vivrons-nous. Cela qui est la flamme. Et la flamme n’est ni personnelle, ni impersonnelle, ni universelle ni particulière ; elle n’est que flamme ».
Nous insistons une fois de plus sur le fait qu’une telle expérience n’est pas une création de l’esprit. Elle ne constitue pas une déshumanisation de l’humain mais au contraire son plus haut épanouissement.
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L’amour humain libéré de ses attaches, de ses calculs, de toutes ses limitations habituelles, réalise une condition de liberté, de perfection, de pureté qui le rend réellement divin. Dans cet état d’amour, il y a abolition de l’adorateur et de l’objet de son culte, en tant qu’entités distinctes.
Cet état d’être inexprimable constitue une sorte d’autorévélation de CE qui n’a jamais cessé d’être en nous-mêmes. La magie de l’Amour a dévoré les limites du « moi ». Pour Krishnamurti, un tel homme est le divin-même. Il est le Dieu vivant. Il demeure à jamais au delà des cendres du « moi » limité, dans l’incandescence éternelle d’un amour suprême qui est lucidité et d’une lucidité suprême qui est amour. Mais dans ce domaine chaque mot devient un piège.
L’état de joie ineffable qu’éprouve l’être humain resté inébranlablement fidèle à la loi du plus haut amour sanctionne le bien-fondé de son attitude. Plus aucune contingence physique ou psychologique ne parvient à perturber l’état d’équilibre intérieur transcendantal du véritable amour. Un tel homme est réellement libre. Il est libre parce qu’affranchi de toute avidité, de tout désir.
Comment pourrait-il en effet trouver un intérêt quelconque dans la jouissance de quoi que ce soit, s’il goûte à chaque instant, le « Souverain Délice » de l’Ananda, qui suggère inlassablement le désir au cœur de tous les êtres ?
Un tel homme EST à chaque instant (en vertu d’une expérience d’intégration indescriptible), ce que tous les êtres et toutes les choses ont en eux, de plus précieux, de plus profond, de plus irremplaçable.
Ceci nous fait mieux comprendre ce que Krishnamurti entend lorsqu’il nous dit qu’il « n’y a d’autre Dieu que l’homme rendu parfait ». Le mouvement de recul qu’éprouvent certains, provient seulement du fait qu’il leur est difficile de se faire une idée de ce qu’est un homme rendu parfait.
L’homme « parfait » ou « purifié » est celui dans lequel l’illusion de la « soi conscience » et le cortège de servitudes qui en découle se trouvent absents. Nous reproduisons ici un des textes célèbres du Bouddhisme Zen relatif à cette expérience désignée par « Satori ».
Le Zen appelle cela : « Retourner chez soi »… « Vous vous êtes trouvé maintenant ; depuis le tout premier commencement, rien ne vous avait été dissimulé ; c’était vous-même qui fermiez les yeux à la réalité ». (Doctrine Suprême, par le Dr. Hubert Benoit, p. 88.)
EXTRAIT de : L’Amour Humain A L’Amour Divin de Ram LINSSEN - Editions ETRE LIBRE
1953 – http://www.revue3emillenaire.com/doc/livres/Robert-Linssen-Amour-Humain-Amour-Divin-1953.pdf