Thich Nhat Hanh, le moine qui enseigne la paix
par Patrice van Eersel
Pour quelle raison se sent-on si proche de Thich Nhat Hanh, quand on l’approche et l’écoute, ou simplement quand on le lit ? Le monde des guides spirituels ne manque pas de grandes figures, mais rares sont celles qui posent leur humanité avec autant de transparence. Ce qu’il propose est simple et tout est là. Mais est-ce si étonnant, après une pareille saga ?
Thich Nhat Hanh. Le Village des Pruniers. La communauté de l’Inter-Être. Le regard profond. La respiration de la pleine conscience. La non-peur. L’art de dépasser la colère…. S’il fallait résumer en un mot cet homme, sa saga, son réseau, son enseignement, ses influences en plusieurs lieux de la planète, sans doute choisirait-on le mot « douceur ». Quoi de plus doux que cette voix, que les histoires qu’elle raconte, que les poèmes qu’elle chante, que les thèmes qu’elle fait résonner en vous, que les gestes qu’elle induit chez ceux qui s’en imprègnent ?
Quand vous arrivez au Village des Pruniers, en Dordogne, c’est cela qui vous frappe, ou plutôt vous caresse : les attitudes, les regards, les voix sont empreints d’une douceur peu commune. Au fil des jours, depuis la méditation du matin jusqu’à celle du soir, au réfectoire comme dans les ateliers, et même quand tout se fige artificiellement quelques secondes, en « arrêt sur image », parce que la cloche vient de sonner (n’importe quand dans la journée), ce qui sert à chacun à se rappeler à lui-même et à revenir à une respiration consciente et reconnaissante (« J’inspire, je suis conscient de la vie en moi et autour de moi ; j’expire, je me sens en vie »), cette douceur s’avère authentique, réelle, profonde, ancrée. C’est d’autant plus impressionnant qu’à l’origine, cet homme, sa saga, son réseau… ont été trempés au feu des plus redoutables combats : la résistance des jeunes bouddhistes engagés contre la guerre du Vietnam. Certains n’hésitaient pas alors à s’immoler par le feu, non pour assassiner, comme le font les kamikazes intégristes, mais pour prendre sur eux la douleur du monde et signaler que l’inacceptable a été franchi.
Du coup, le mot « douceur » prend une dimension toute autre, ontologique, cosmique. Des chrétiens vous le disent, en larmes : « Écoutant Thich Nhat Hanh, j’ai enfin compris les mystères les plus insensés des Évangiles, par exemple cette invitation de Jésus à tendre l’autre joue, quand on vous a giflé. » C’est vrai que quand « Thây » (« maître » en vietnamien, c’est ainsi que l’appellent ses élèves) parle, avec son infinie douceur, de la nécessité de comprendre nos adversaires, parce que, tout comme nous, ils sont trompés par leurs « perceptions erronées », on a la sensation d’entendre : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font ! » Une résonance « christiano-bouddhique » dont le maître de 80 ans (il en paraît 60) se réjouit ouvertement : même si sa propre spiritualité ne se fonde pas sur un Dieu personnel, n’a-t-il pas écrit un livre très sensible sur les affinités entre Bouddha et Jésus ? Il y rappelait que le maître des chrétiens invitait ses disciples à se comporter comme les oiseaux du ciel, qui vivent en conscience, ici et maintenant, sans se soucier continuellement d’investir et d’amasser pour demain.
Tout n’avait pourtant pas commencé de façon idyllique entre Thich Nhat Hanh et les chrétiens, du moins ceux qui avaient installé un pouvoir dictatorial à Saigon, à la fin des années 50…

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