l’intelligence des plantes
On a tendance a regarder les plantes d’un certain œil : jolies, pour certaines, mais plutôt inertes… Or, rien n’est plus loin de la vérité : une nouvelle étude nous montre désormais que les plantes savent calculer leurs dépenses afin de ne jamais se retrouver à bout de ressources.
On sait déjà que les végétaux sont capables de se prévenir mutuellement d’un danger en s’envoyant de savants cocktails chimiques. On sait aussi que leur génome est bien plus riche que le notre – l’homme possède 26 000 gènes, un plant de riz 50 000. C’est d’ailleurs ce qui a fait dire au généticien Alex Kahn, interviewé dans Inexploré n°17 (« Ces plantes qui nous ressentent »), que « le riz est indiscutablement plus évolué que l’homme ». Maintenant, on apprend que les plantes savent calculer leurs dépenses en fonction d’un temps qu’elles anticipent.
Une équipe britannique de chercheurs en botanique et microbiologie s’est rendu compte que l’Arabette des dames (Arabidopsis thaliana) stocke plus de la moitié de son hydrate carbone – de l’amidon – assimilé en journée. Ces réserves, stockées au niveau des feuilles, lui fournissent les calories dont elle a besoin la nuit alors qu’elle ne peut plus faire de photosynthèse. Cette consommation nocturne est alors savamment calculée de manière à ce qu’il lui reste 5% d’amidon au petit jour. Voilà qui est déjà intelligent en soi.
Mais ce que cette équipe du John Innes Centre a constaté, c’est que si la durée de la nuit est artificiellement raccourcie ou rallongée, la plante continue d’utiliser 95% de son amidon. Fidèle gestionnaire, elle finira à 5% que la nuit soit tombée à 18h, 20h ou 22h. En fait, la plante sait par son horloge interne qu’un cycle entre deux aubes est de 24h. Si la nuit tombe plus tôt ou plus tard que prévu, elle arrive à calculer le temps qui lui reste sur ce cycle entier. Elle s’organise alors pour avoir une consommation régulière d’amidon jusqu’au bout de la nuit. Ayant foncièrement conscience des ressources et du temps dont elle dispose, elle est capable de réguler ses dépenses pour un laps de temps qu’elle sait anticiper. A quand les plantes à Wall Street ?
Longtemps les plantes n’ont été appréciées que pour ce qu’elles produisaient (graines, fleurs, fruits, racines, tubercules, bois, oxygène…). Aujourd’hui, on s’intéresse de plus en plus à ce qu’elles sont, à la manière dont elles fonctionnent et réagissent à leur environnement. Effacée l’image caricaturale du sous-être vivant, passif parce que privé de la possibilité de se mouvoir, insensible parce que n’exprimant rien face aux agressions. On sait aujourd’hui que, à l’instar des animaux, les plantes sont douées de capacités sensorielles variées et qu’elles communiquent aussi entre elles, notamment dans le but de se défendre.
Les plantes ressentent, les plantes s’expriment et maintenant… elles comptent ! Publiée le 25 juin dans la revue eLife, cette dernière découverte est à mettre au crédit d’une équipe du John Innes Centre, un organisme de recherche installé en Grande-Bretagne, spécialisé dans la botanique et la microbiologie. Les auteurs de l’étude sont partis d’un constat très simple. Comme nous l’apprenons tous à l’école, lors de la photosynthèse, les plantes utilisent l’énergie solaire pour fabriquer de la matière organique, ce en assimilant le carbone du CO2 présent dans l’atmosphère. Mais il ne fait pas jour tout le temps. Lorsque, pendant la nuit, l’énergie solaire n’est plus disponible, les plantes ne cessent pas de vivre pour autant et puisent dans leurs réserves d’hydrates de carbone (typiquement, de l’amidon) pour continuer à alimenter en calories leur métabolisme et leur croissance. Chez l’arabette des dames (Arabidopsis thaliana) qui est un organisme modèle en botanique, plus de la moitié du carbone assimilé pendant la journée est ainsi stockée au niveau des feuilles dans des granules d’amidon et consommée presque intégralement (95 %) durant la nuit. Or, on s’est aperçu que si l’arrivée de la nuit était artificiellement avancée ou retardée, ce pourcentage de 95 % se retrouvait quand même.
Pour les auteurs de l’étude, ce phénomène soulevait une hypothèse pour le moins intrigante : n’existerait-il pas, au sein d’A. thaliana, un mécanisme capable de mesurer le contenu en amidon des plantes ainsi que le temps qu’il reste avant l’aube, puis de diviser la première valeur par la seconde, afin de calculer la vitesse à laquelle l’amidon doit être consommé, l’idée étant, chaque nuit, d’exploiter au maximum les réserves de glucides sans pour autant se mettre dans le rouge (d’où les 5 % de marge de sécurité) ? Autre possibilité : que la plante adapte sa consommation au fur et à mesure que la nuit passe. Dans le premier cas, la vitesse à laquelle s’écoule le stock d’amidon serait constante tandis que, dans le second, elle varierait au fil du temps, avec des accélérations ou des ralentissements.
Afin de trancher, les biologistes ont mené une longue série d’expériences que je n’évoquerai pas toutes. Dans un premier temps, ils ont modifié la durée de la nuit chez des plantes qui étaient habituées à un régime de 12 heures de vie …..

Vous pouvez laisser une réponse.
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.