Les 3 Dimensions du Temps
Homme d’affaire et chercheur de vérité, ancien industriel devenu consultant, Didier Atlani a une vision originale et utile des niveaux de temps dans lesquels nous vivons tous. Rencontre.
Nouvelles Clés : Qu’est-ce qui vous a conduit a mener cette réflexion sur le temps ?
Didier Atlani : Dans ma vie, j’ai toujours eu du mal à supporter d’être mis sous pression trop longtemps car cela me donne le sentiment de ne plus posséder ni diriger ma vie, de ne plus être maître de mon emploi du temps, que « ça » se décide pour moi, que je suis la marionnette de mon rôle social et professionnel !
Le mode actuel de fonctionnement de la société, et particulièrement du travail, reposant de plus en plus sur la pression et le stress, m’a amené à réfléchir et à me poser la question du rapport entre « le temps » et « le résultat » dans le milieu des affaires où j’ai toujours été.
N. C. : Vous dites donc que nous devons travailler sur trois niveaux de temps. Qu’entendez-vous par là ?
D. A. : En fait il m’apparaît nécessaire que toute organisation humaine, qu’elle soit sociale, politique ou entrepreneuriale intègre trois notions de temps et qu’elle opère toujours dans ces trois temps conjugués. C’est la condition nécessaire de son enracinement et de celle de ses acteurs, donc de nous-mêmes, pour trouver un équilibre et vaincre le stress.
Tout d’abord il y a « le temps immédiat ». Nous pourrions aussi l’appeler le temps instinctif. Il correspond à ce qui est nécessaire pour vivre ou survivre. Son mode est l’action.
Au niveau de la personne, c’est se procurer la nourriture, s’habiller, se loger, se chauffer.
Au niveau de l’entreprise, c’est gagner de l’argent pour faire vivre ses acteurs, faire des profits pour grandir.
Ici nous sommes dans l’action avec une logique de résultat. C’est ce qui va motiver l’entreprise pour être efficace, flexible et productive.
Par contre si nous nous situons exclusivement dans ce temps, tout est focalisé sur ce qu’on peut obtenir immédiatement, sans réfléchir aux conséquences et aux dégâts que cela peut occasionner. C’est la mise sous pression perpétuelle et le stress garanti. Nous avons actuellement un excellent exemple dans le monde des affaires avec la logique purement financière catastrophique que nous connaissons depuis une vingtaine d’année.
Ensuite nous avons « le temps générationnel » qui fait appel à la mémoire pour permettre d’évoluer dans le futur. Ici nous quittons le mode de l’action pour rentrer dans celui de la réflexion. C’est s’inscrire consciemment dans l’évolution d’un ensemble plus vaste dont nous faisons partie. Nous rentrons dans une logique de continuité.
Pour la personne, nous commençons ici à quitter l’ego pour s’ouvrir aux autres et à la société.
Pour l’entreprise, c’est, entre autre, définir le but de ce qu’elle fait et à quoi elle sert (autre que simplement gagner de l’argent !), se soucier de stratégie pour être pérenne, réfléchir à la transmission des savoirs acquis et la gestion des mémoires ; c’est intégrer sa place dans l’environnement et l’écologie dans son processus de production.
A ce niveau nous rentrons dans le monde de la réflexion pour déterminer comment mener l’action. C’est à ce stade que nous élaborons les moyens de réaliser nos idées qui s’inscrivent alors dans une continuité. Elles s’enracinent dans nos mémoires pour se projeter dans un futur qui a un sens.
Enfin nous arrivons à la troisième dimension qui est « le temps transcendant ». Là nous sommes au-delà du temps ; nous touchons au permanent.
Pour poursuivre la comparaison précédente, nous abordons ici l’Esprit. Il ne s’agit plus de bâtir des stratégies en fonction du passé ou de l’avenir, mais de participer à l’ensemble ; nous n’agissons pas pour nous-mêmes mais pour l’univers dont nous faisons partie. Nous sommes à son service et responsables de le faire évoluer. C’est là « une logique d’appartenance » sans but autre que de participer à l’Univers, au vivant dont nous sommes une partie mais riche du vide qui seul permet le renouveau.
Dans cette dimension du temps, l’individuel et l’entreprise (ou toute organisation) se confondent ; la règle est universelle. C’est dans ce temps là que se situe la vraie créativité car les entraves du temps, du résultat, des préjugés n’existent plus. On rentre dans l’univers de l’intuition, de l’intelligence de l’ensemble qui ne cherche plus sa raison d’être dans le résultat mais dans sa participation au profit de l’ensemble.
N. C. : Concrètement, vous traduisez cela comment ?
D. A. : À partir de cette conceptualisation du temps, nous avons en effet créé une grille d’analyse qui permet :
- de dresser un état des lieux dans chaque catégorie de Temps. Ceci est révélateur des déséquilibres et des manques car un vide dans un temps crée toujours des discordances
- de proposer des solutions pour rééquilibrer les différents temps et remettre en route de nouvelles dynamiques. Ce type d’analyse agit comme un catalyseur sur les personnes et les équipes, et surtout permet de retrouver le sens de ce nous faisons.
Cette méthodologie que nous avons appelé « la Temporéalité » s’applique parfaitement aux individus pour situer leur « mal être » pour certains, leur « insatisfaction » chronique pour d’autres, pour savoir dans quelle direction réorienter sa vie professionnelle, etc. De multiples façons d’y remédier apparaissent simplement en remettant de la cohérence dans les temps.
Elle permet aussi d’analyser toute organisation pour mettre à jour ses points faibles et les dangers qui la guettent. Toute entreprise en crise et cherchant des solutions pour en sortir, ou qui a besoin de retrouver le sens perdu de sa fonction (afin qu’à l’intérieur chacun sache à quoi il sert, au service de quoi il se trouve) peut être passée au tamis de cette grille valable également sur tous ses secteurs (commerciaux, production, administration, social, ……). Ce diagnostique permettra de définir des actions à entreprendre pour corriger ou inventer de nouvelles solutions.
Rentrer dans cette dimension du temps permet de trouver l’idée force, la colonne vertébrale, le credo de l’entreprise autre que « le profit » qui est nécessaire mais pas suffisant. Et c’est ce point fixe qui est la Conscience, l’âme de l’entreprise. C’est lui qui permet de faire adhérer les salariés au projet qu’ils poursuivent tous ensemble et d’y participer autrement que par le stress et la pression.
Au niveau politique, les exemples de décisions prises et ne s’inscrivant pas dans une vision de l’ensemble mais répondant seulement à des modes ou des visées électoralistes sont malheureusement fréquentes et conduisent à des impasses ; le Temps Transcendant est inexistant (pas de vision politique) quand le Temps Générationnel est ignoré (créer de la dette pour faire payer les générations futures). C’est ainsi que nos mondes dits « civilisées » nous ramènent à des comportements « barbares », c’est-à-dire cruels, sauvages et impitoyables où seule la loi du plus fort est utilisée.
En outre, et ceci à mon sens est un de éléments les plus important, en replaçant ces notions de Temps au centre des structures, elle permettra à ses acteurs de retrouver leur place dans la société et une sérénité dans leur vie personnelle.
Toute chose existante vit dans ces 3 temps ensemble. Rien ne peut s’y soustraire. Toute tentative de n’évoluer que dans un seul temps entraîne des perturbations et est voué à l’échec. L’harmonie provient de la cohérence dans les trois temps des actions vécues.
C’est ainsi que lorsque je passe des périodes de vie où je suis en permanence dans le temps de l’action immédiate, le T1, au point d’oublier de réfléchir à comment je dois faire les choses (temps générationnel T2) et pourquoi je les fais (temps transcendant T3), je me sens mal.
Consacrer de l’espace pour retrouver ce temps transcendant me remet dans le bien-être fondé sur la cohérence des temps nécessaires à la vie. Cela me permet de découvrir le sens de ma vie, ma fonction sur Terre, mon accomplissement.
Il en est de même pour les entreprises, corps social, corps vivants ayant aussi un sens, une raison d’être et une fonction.
Contact et Conférence : [ -> www.temporealite.com]