Humanité reconstruction
Les Grecs s’expliquaient-ils un début, une origine ?
Platon a durablement inscrit dans la pensée occidentale la vision selon laquelle il existe un monde idéal, un monde des Idées, dont tout découle et où résident les dieux. Selon son célèbre mythe de la caverne, nous vivons dans une représentation de ce monde des Idées, comme dans une caverne, et nous en percevons qu’un bien pâle reflet. Tout ce que nous pouvons voir, ce sont les ombres projetées par les objets et les êtres vivants du monde extérieur sur les parois de la caverne. Mais le monde pur, celui des Idées, est en dehors, là où règne un monde vibrant de lumière, de couleurs et de formes. Le concept d’un dieu créateur qui impose des lois physiques réglant l’univers s’impose avec Kepler et Newton au XVIIe siècle. Newton unifie la Terre et le ciel : la gravitation universelle dicte aussi bien le mouvement de chute d’une pomme dans un verger que le mouvement de la Lune autour de la Terre. L’univers newtonien était mécanique. Il fonctionnait comme une horloge à ressort qu’on remontait. Après avoir créé l’univers, Dieu n’avait plus qu’à remonter son « ressort » à son début pour qu’il fonctionnât de lui-même par la suite en suivant les lois de la gravitation universelle. Dieu s’éloigna de plus en plus. Il assistait de loin à l’évolution de l’univers et n’intervenait plus dans les affaires humaines. À tel point que, à la charnière des XVIII et XIX° siècles, quand le physicien Pierre Simon de Laplace présente une copie de sa Mécanique céleste à Napoléon, il peut franchir le dernier pas. Alors que l’Empereur lui reproche de n’avoir pas mentionné le Grand Architecte responsable de cette formidable machine bien huilée qu’était la Nature, Laplace répond : « Sire, je n’ai pas besoin d’une telle hypothèse ! » C’est le triomphe de la raison mécaniste et déterministe. L’homme doué de raison pouvait tout faire. L’idée du progrès fit son apparition. L’homme pouvait domestiquer la nature à son profit. Il pouvait non seulement continuellement s’améliorer et se perfectionner, mais aussi parfaire les institutions sociales et politiques. La fin du XVIIIe siècle vit non seulement la révolution industrielle, mais aussi la révolution américaine en 1776 et la révolution française en 1789. La raison humaine était capable à elle seule de découvrir une nouvelle planète. Ainsi, en 1846, c’est par le seul calcul –en appliquant les lois de Newton – que l’astronome français Urbain Le Verrier et, indépendamment, l’astronome britannique John Adams, « découvrent » la planète Neptune, à partir des perturbations de l’orbite d’Uranus. L’observation avec un télescope ne viendra que par la suite pour confirmer le calcul.
Succès final de la démarche, pourrait-on dire : l’explication des origines par la théorie du big-bang. Est-ce le dernier mythe ? L’hypothèse la plus forte ?
C’est la théorie qui rend le mieux compte des observations actuelles. Bien sûr, la science ne fonctionnant pas comme une religion, cette théorie n’est pas immuable. La science ne reposant pas sur des dogmes, des faits nouveaux peuvent survenir à chaque instant pour contredire la théorie existante et la remettre en question. Mais pour la théorie du big-bang, cela n’a pas été le cas. Au contraire ! Depuis son acceptation par la majorité des astrophysiciens après la découverte du rayonnement fossile, c’est-à-dire la chaleur qui reste de la création, en 1965, les astronomes se sont mis à tester avec acharnement la théorie du big-bang dans ses moindres aspects et ses plus petits recoins. Elle a vécu dangereusement pendant les quatre dernières décennies, car à tout moment des observations auraient pu venir l’infirmer et l’expédier au cimetière des théories mortes. Les astronomes auraient pu constater que la distribution en énergie des photons de ce rayonnement fossile n’était pas conforme à celle d’un univers doté d’un passé chaud et dense. Ils auraient pu trouver que le rayonnement fossile était si uniforme que ça le rendait incompatible avec les fluctuations de densité nécessaires pour donner naissance aux galaxies (ces fluctuations servent de semences de galaxies). Ils auraient pu découvrir une étoile pourvue d’une quantité d’hélium tellement inférieure aux 25% prédits par la théorie du big-bang que cela aurait porté à celle-ci un coup fatal. Nous pourrions multiplier à l’envi les exemples de découvertes qui auraient pu détruire la théorie du big-bang. Or rien de tout cela n’est advenu. Les observations les plus récentes ont renforcé la théorie, bien plus qu’elles ne l’ont infirmée. Si un jour une théorie plus sophistiquée venait à la supplanter, il lui faudrait incorporer tous les acquis de la théorie du big-bang, tout comme la physique einsteinienne a dû incorporer tous ceux de la physique newtonienne.

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