Que nous apprennent les animaux sur l’homme ?

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Rien de direct. L’histoire animale n’est pas l’histoire humaine. Contrairement à une idée reçue, les hommes ne se comportent jamais comme des animaux. Notre culture est trop riche pour cela. Aucun homme violent et violeur ne pourra jamais être comparé à un singe en rut. Pourquoi ? Parce que, même chez l’homme le plus brutal, la sexualité est encore entièrement relayée par le langage qui fait qu’entre son corps et le corps de l’autre s’interposent des mots, des fantasmes. D’autre part le langage articulé ouvre une capacité étrangère à l’animal : celle de changer nos structures sociales. Les animaux ont une culture qu’ils peuvent même transmettre, mais « aucune culture primate ne pourra jamais fomenter une nuit du 4 août 1789 », comme s’amuse à dire Maurice Godelier, anthropologue opposé à la naturalisation de l’esprit.

La différence entre l’animal et l’homme n’est-elle pas surtout que nous savons que nous allons mourir ?

J’aime cette phrase du poète juif autrichien Erich Fried : « Un chien qui meurt et qui sait qu’il meurt comme un chien, et qui peut dire qu’il sait qu’il meurt comme un chien est un homme. » Nous appartenons à la nature, mais nous nous en émancipons et savons la regarder du dehors. Certains animaux s’en détachent aussi… mais dans des proportions infiniment moindres, de façon qualitativement différente. Il faut être continuiste, mais il faut aussi réserver son moment et sa place à l’émergence.

Le philosophe Patrick Tort rappelle que Darwin avait défini l’homme par cette caractéristique étrange: la sélection naturelle l’a favorisé parce qu’il a su intelligemment lui résister, en secourant ses congénères les plus faibles.

Oui, c’est ce qu’il appelle l’« effet réversif ». Je trouve cette idée passionnante. Mais insuffisante. Je ne peux pas ancrer le sens moral dans une simple empathie naturelle. Il manque l’essentiel, à savoir que, dans l’homme, il y a du tragique. Pas seulement parce qu’il sait qu’il lui faut mourir. Le tragique, dit le philosophe Lyotard, c’est que « nous sommes nés à notre insu » : quand s’éveille notre conscience d’être vivant, tout est joué, il est trop tard. Or, ce tragique, il faut à tout prix et paradoxalement le protéger : sans lui, nous cesserions d’être humain – c’est pourquoi la psychanalyse m’intéresse…

Vous faites souvent le parallèle entre la Shoah et les élevages industriels, qui seraient des sortes de camp d’extermination pour animaux.

Découvrir à 18 ans que ma mère était juive (elle-même n’en parlait jamais, et le jour où elle a décidé de le faire, elle est morte) et que cinq personne de ma famille proche avaient été assassinés à Auschwitz fut un choc qui a marqué ma vie, y compris ma réflexion sur les animaux. J’ai eu très vite l’intuition d’un lien entre la « Solution finale » des nazis et l’industrialisation de l’élevage et de l’abattage. J’en ai parlé la première fois en 1998, dans «Le Silence des bêtes » (Fayard). Les anti-animalistes comme Luc Ferry vous diront que les nazis avaient édicté des lois de protection des animaux – c’est faux – et que celui qui aime les bêtes n’aime pas les hommes – ce qui est loin d’être toujours vrai. Pensez à Albert Schweitzer. Le vrai drame se joue ailleurs : c’est la « rupture du contrat domestique », comme l’appelle la philosophe Catherine Larrère. Avec son mari, Raphaël Larrère, directeur de recherche à l’INRA, elle a écrit des pages fondamentales, qui montrent que nos ancêtres, même les plus récents, avaient passé un contrat avec les animaux qu’ils domestiquaient. Un échange de services et de signes, une familiarité que ceux qui ont grandi dans une ferme artisanale ont pu connaître : une forme d’humanisation des animaux et d’animalisation des humains, avec des liens affectifs très forts. 
Ce contrat a été rompu avec une violence inouïe au XX° siècle. Le prix Nobel de médecine Alfred Kastler s’en indignait déjà il y a 30 ans, dans «Le Grand massacre » (Fayard, 1981). Toute la monstruosité de la vision cartésienne faisant de l’animal une machine s’est trouvée soudain incarnée dans des industries d’une cruauté inimaginable. Jamais aucune société humaine n’avait ainsi traité des êtres vivants. Avez-vous lu « Faut-il manger les animaux ? » (L’Olivier, 2011) ? Pendant deux ans, Jonathan Safran Foer a enquêté sur les filières de la viande industrielle. C’est terrifiant. Et de surcroît, on nous fait manger des choses « fabriquées » de manière inquiétante.

Que faire ? Devenir végétarien ?

Il est urgent que nous passions un nouveau contrat avec l’animal domestique. Non pas revenir en arrière, mais repensernos rapports aux bêtes et de tout faire pour démanteler ces industries qui font honte. Cela n’est certes pas évident, puisque c’est tout un pan de l’alimentation planétaire qui est concerné. A défaut de devenir végétarien – ce qui serait l’idéal –, apprendre à manger beaucoup moins de viande serait déjà un progrès.

Moins de viande, mais meilleure, car provenant d’animaux ayant vécu plus naturellement ?

Les médecins s’accordent à dire que l’abus de viande est catastrophique pour la santé. Il l’est aussi pour l’environnement, la filière carnée accélérant la déforestation, la transformation des cultures en herbages et la production de gaz à effet de serre. Que la viande redevienne un luxe permettrait aussi à certains pays de relancer les cultures vivrières qu’ils ont abandonnées au profit du soja ou du maïs destinés aux bovins.

Source http://www.cles.com/

Publié dans : ANIMAUX, HUMANITE |le 16 juillet, 2013 |Pas de Commentaires »

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