Notre rapport aux animaux reste à découvrir

Notre rapport aux animaux reste à découvrir dans ANIMAUX images-1

L’humanité du XXI° siècle doit passer un nouveau contrat avec l’animal domestique et réduire sa consommation de viande : tel est le credo de la philosophe spécialiste des questions éthiques concernant le traitement des bêtes. Elisabeth de Fontenay est une philosophe qui a toujours évolué en équilibre instable sur des lignes de crête. Entre l’animalisme et l’humanisme. Entre une culture chrétienne et des racines juives. Entre un goût pour la métaphysique et un profond scepticisme. Entre une éducation d’aristocrate et des convictions marxistes. Résultat : on peut l’attaquer de partout. Les humanistes s’indignent de l’entendre affirmer que l’animal est un « sujet » que la loi doit considérer comme tel. Les animalistes s’offusquent de la voir refuser que l’on fasse de l’humain un animal particulier. Aux chrétiens déplaît qu’elle fasse de leur religion une invention de Saint Paul, et aux juifs qu’elle aime se dire païenne. Mais elle sait tenir son cap, malgré les turbulences de ce qu’elle appelle « ma vie un peu tordue ». Une vie marquée par la découverte, à 18 ans, de la judéité de sa mère et de la disparition de ses cousins dans la Shoah. A 76 ans, maître de conférence à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, essayiste à succès et chroniqueuse à France Inter, elle est devenue incontournable.

CLES : Vos réflexions sur nos rapports avec les animaux s’appuient-elles sur des expériences personnelles ?

 Elisabeth de Fontenay : Avez-vous vu comment s’est comporté Pat, le chien très gentil qui a posé pour la photo avec moi ? J’ai un bon rapport immédiat avec les animaux, surtout avec les chiens et les chevaux. Je suis moins sensible aux chats, ce qui blesse mes amis intellectuels qui les adorent. Cette cynophilie remonte à mon enfance. Mon père était chasseur et paradoxalement, ce sont les joies de la chasse, qui m’ont initiée à la vie animale. Je parle des vrais chasseurs qui aiment les bêtes, pas des viandards qui massacrent des sangliers ou des faisans d’élevage, lâchés sous leurs yeux.

Vous avez la nostalgie des chasseurs écologiques ?

Oh, je ne considère pas du tout la question animale comme écologique ! Les écologistes ne cessent de prouver du reste que les animaux ne les intéressent pas. Je crois que c’est une question plutôt psychologique et même philosophique. Les éthologues montrent de plus en plus, et certains philosophes phénoménologues ont repris cette affirmation à leur compte, que l’animal est une subjectivité, une spontanéité. Ça n’est pas juste un être qui réagit à des excitations. L’animal vertébré, et surtout le mammifère, est capable d’interpréter le sens des situations qu’il rencontre et, jusqu’à un certain point, de diversifier ses réactions. Il y a chez l’animal, comme l’affirment au début du XX° siècle le philosophe Edmund Husserl, père de la phénoménologie, et plus tard ses disciple Merleau-Ponty et Hans Jonas, quelque chose de l’ordre de la conscience, qui fait que nous pouvons parler d’une « culture animale ».

On parle des origines animales de la culture humaine…

C’est en revanche une thèse sur laquelle je suis beaucoup plus réservée. Certes, à partir du moment où l’on parle de culture animale, comme le font les auteurs dont je viens de parler, on ne peut plus se contenter de dire : « Les bêtes font partie de la nature ». Mais quant à la culture humaine, liée au langage articulé et qui se transmet de façon lamarckienne par transmission des caractères acquis, c’est une autre affaire qu’on ne doit pas traiter, sous prétexte de darwinisme, de façon réductionniste. Il reste que l’animal n’est pas un arbre. C’est un sujet. Creuser ce thème du « propre de l’homme » m’a fait relire et déconstruire toute l’histoire de la philosophie, des présocratiques à Derrida. Ma position est nuancée. D’un côté, seul l’homme peut faire des projets utopiques et préparer l’avenir. Mais de l’autre, j’ai été frappée de constater à quel point l’humanisme, chrétien puis laïc, reposait entièrement sur l’idée que l’homme était un être supérieur à l’animal, ayant sur lui tous les droits – l’animal n’en ayant aucun, alors que tous les travaux de génétique, de paléoanthropologie et de zoologie montrent qu’on ne peut plus opposer la nature à la culture, l’inné et l’acquis, l’homme et l’animal, comme on le faisait dans une vision du monde anthropocentrée. Retour de bâton : des primatologues et des animalistes réclament l’extension des droitsde l’homme, au moins aux primates.

Pour les tenants de l’« écologie profonde » et des différents fronts de libération des animaux, l’aveuglement humain viendrait du judéo-christianisme et de la Genèse, où Dieu offre la nature au bon vouloir d’Adam et Eve.

Dieu leur fait avant tout le don du langage ! Ce qui leur permet de nommer chaque animal. Cette faculté de nomination est ambiguë : elle incite tout autant à la domination brutale qu’à la poésie ! Beaucoup d’animalistes s’en prennent à la Bible par simple manque de culture et usent à outrance du concept de « judéo-christianisme » qui constitue un amalgame inopérant. Pour prendre un exemple, selon la tradition juive, les humains ont d’abord été végétariens. Ce n’est qu’à partir du Déluge, de Noé et des Lois noachides, que Yahvé les autorise à manger le corps des animaux. Mais en les vidant de leur sang préalablement, car le sang, c’est l’âme.

Le christianisme ouvre une autre voie. Dieu s’étant offert lui-même en sacrifice, dans la personne de Jésus considéré comme « l’agneau divin », l’animal devient pure métaphore et les vrais animaux perdent tout statut, alors qu’ils en avaient un très fort dans le judaïsme – tout comme dans la civilisation grecque. On trouve encore dans le christianisme des bribes d’attention pour l’animal avec St François d’Assise et une riche allégorisation des animaux. Mais globalement, c’est là une tradition qui prépare à un humanisme anti-animaliste, culminant avec Descartes, pour qui les bêtes ne sont que des machines dépourvues d’âme.

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Publié dans : ANIMAUX |le 14 juillet, 2013 |Pas de Commentaires »

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