Parler de la mort
Venez me rejoindre sur le forum http://devantsoi.forumgratuit.org/
Si la mort donne à parler, elle le fait de bien des manières.
- Il y a d’abord le langage à mots couverts, prudent pour ne pas effaroucher un malade, peut-être soucieux de ne pas déranger par des propos trop directs la puissance mystérieuse à laquelle on fait allusion. Ce langage est celui des sous-entendus convenus : « il est disparu », « on l’a perdu », « elle est en phase terminale » de son cancer, « il est condamné », « il n’en a plus pour longtemps ». Permanente question des infirmières et médecins : faut-il dire la vérité aux malades ? Comme si la vraie question n’était pas : oserons-nous la dire ? et surtout : saurons-nous la dire ?
- Dans cette même ligne, on parvient vite à l’absence de tout langage. La mort devient tabou. On n’en parle pas parce que cela ne se fait pas. Ce serait inconvenant. Cela ferait peur. Le résultat de telles attitudes est bien connu : les relations du mourant ou du malade à son entourage sont faussées, celui ou celle qui s’en va voudrait parfois parler de ce qui va lui arriver et il n’est personne pour entrer dans l’échange désiré.
- Autre manière de parler de la mort, presque au pôle inverse : on en parle beaucoup, sans doute trop. Elle devient une sorte d’obsession. On la voit partout et à tout moment. Le cas est pathologique ? Sans doute. Mais, dans la culture occidentale de ce temps, il se pourrait bien que de telles formes d’expérience aient assez largement cours. Par exemple dans l’affirmation récente de la littérature ou des émissions de télévision sur ce qu’ont vécu des gens qui « reviennent » de la mort, après un coma. Ou bien dans l’abondance des analyses, descriptions et études sur le sida ou l’accompagnement des mourants. L’Occident qui semblait, il y a quelques années encore, censurer la mort et la mettre entre parenthèses paraît aujourd’hui assister à un « retour de la mort », analogue à d’autres retours, comme celui, ambigu, de la religion. Le problème n’est pas tant alors dans l’abondance parfois excessive des paroles que dans leur qualité médiocre : on parle autour de la mort, on ne parle pas réellement de ce que c’est que mourir ou de ce que peut être dans la vie quotidienne l’expérience de la mort. Et sans doute ne parle-t-on guère plus à celles et ceux qui vont mourir. Bref, on bavarde, on transmet des informations, mais on n’adresse pas la parole.
- Dans cette même perspective, j’inscrirai le goût ou le besoin de montrer la mort. Comme un spectacle. Accidents, théâtralisations des funérailles de personnages illustres, reportages auprès de condamnés à mort, films et émissions de télévision mettent en scène pour le grand public l’épreuve ou simplement le serein départ de certains d’entre nous. Il y a là une forme renouvelée de la mort d’autrui dont j’ai parlé précédemment. Comme telle, elle peut donc donner lieu pour les spectateurs à une véritable expérience. Encore faut-il que l’image parle, que le témoignage trouve le chemin du cœur et de la pensée dans le publie auquel il est proposé.
Voir le livre : La mort. Sa signification chrétienne.