Le Poltergeist
Par Mario Varvoglis
Quand les chercheurs poussent l’investigation du psi hors du laboratoire, ils voient leurs problèmes s’accroître considérablement. Les contrôles en laboratoire qu’ils ont minutieusement mis au point afin de contrer la fraude s’avèrent inadéquats ; ils doivent en créer d’autres, de toutes pièces, sur les lieux mêmes de leur recherche, afin de répondre à chaque situation spécifique, ceci dans le tourbillon de la vie et le cours habituel des affaires du monde. Lorsqu’ils étudient des manifestations apparemment spontanées, les chercheurs n’ont pas la possibilité de sélectionner le sujet ou de rendre les cibles aléatoires. Il leur faut adapter leur investigation aux circonstances. Cela relève parfois d’une gageure comparable à celle consistant, en plein milieu d’un ouragan, à empêcher sa pelouse d’être maculée de feuilles.
Afin de préciser les difficultés propres à la recherche psi sur le terrain, évoquons en détail l’investigation menée par deux chercheurs psi, à propos de certaines manifestations mystérieuses.
Le Poltergeist de Miami
Vers la mi-décembre 1966, Alvin Laubheim, gérant et copropriétaire d’une société de distribution d’articles de fantaisie, remarqua, dans son entrepôt, une augmentation notable de la casse. La firme employait deux commis, Curt Hagenmayer, un homme âgé, et Julio Vasquez, réfugié cubain de dix-neuf ans. Laubheim pensa que ces deux employés faisaient preuve de négligence, notamment en ce qui concerne le stockage sur les étagères des verres et autres articles de Chine.
Malgré les recommandations qu’il adressa à ses deux commis d’être à l’avenir plus soigneux, les bris se poursuivirent. Afin d’enrayer la casse, Laubheim fit une visite à l’entrepôt, le 12 janvier, dans le but de leur montrer par lui-même l’art et la manière de bien ranger les articles. Les pertes parmi les chopes de bière étant particulièrement élevées, Laubheim mit un soin tout spécial à les disposer, en retrait de l’étagère, couchées, l’anse reposant. Ayant invité les deux commis à observer attentivement sa méthode de rangement, Laubheim déclara qu’ainsi ils éviteraient de nouvelles casses. A peine avait-il atteint l’extrémité de l’étagère, qu’une chope se brisa sur le sol derrière lui. Se retournant aussitôt, il vit les deux employés éloignés d’au moins cinq mètres des étagères. Comment ce pot à bière avait-il bien pu faire pour parcourir la largeur du rayon d’environ vingt centimètres – avant de tomber par terre ?
Au 14 janvier, le volume des bris était devenu tellement sérieux que, sous l’incitation du second directeur, Laubheim décida d’avertir la police. L’ayant entendu raconter cette étrange histoire d’un fantôme mystérieux passant son temps à projeter des verres hors des étagères, la première réaction des policiers fut de le prendre pour un fou. Mais, peu après l’arrivée de l’agent de police William Killin dans l’entrepôt, suite à la plainte de Laubheim, celui-ci fut témoin de la chute et du bris d’un verre. Deux autres agents et un brigadier furent appelés. Ces policiers étaient tous les quatre présents lorsqu’une boîte de carnets d’adresses, entreposée à environ vingt centimètres du bord de l’étagère, vint à dégringoler dans le passage.
A partir de ce moment, les événements évoluèrent rapidement. Inspecteurs d’assurance, équipes télévisées, journalistes, écrivains, et même un magicien, vinrent mener leur enquête. Mais les investigateurs probablement les plus importants furent les deux éminents parapsychologues W. G. Roll et J. Gaither Pratt, comme en témoignent les nombreux comptes rendus de leurs observations, parmi lesquels certains furent publiés dans les revues spécialisées (1).
En plus de la rédaction de plusieurs articles scientifiques, Roll a consacré à ce cas une longue analyse dans son livre Le Poltergeist (2). Pratt a écrit sur le même sujet, isolément ou en collaboration avec Roll (3).
Les parapsychologues émirent l’hypothèse qu’ils avaient affaire à un phénomène assez rare, appelé poltergeist (mot allemand signifiant « esprit frappeur »). Sur toute la période des désordres, ils décomptèrent un total de 224 bris mystérieux, que ce soit avant leur arrivée à Miami ou après.
Les investigateurs, de même que les employés, remarquèrent vite que ces mystérieuses casses se produisaient quand le jeune Vasquez était présent dans le magasin, et seulement alors. Ne rejetant pas l’hypothèse d’une vaste tricherie, les deux scientifiques élaborèrent des modalités permettant de déterminer si Vasquez avait ou non monté un canular. Le secteur fut interdit d’accès, et des appareils d’enregistrement spéciaux furent employés.
Le résultat ? On ne put jamais détecter aucune tricherie, ni quelque indice de fraude, consciente ou inconsciente, ou quelque petit coup de pouce de la part de Vasquez ou de toute autre personne impliquée dans ce cas. Cependant, aucun des deux parapsychologues ne fut lui-même témoin d’un déplacement d’objet, partant de sa position de repos, traversant les airs pour choir enfin sur le sol.
L’observation faite par les parapsychologues, ressemblant le plus à un mouvement extraordinaire d’objets, eut lieu le samedi 28 janvier. Les deux scientifiques se trouvaient à plus d’un mètre de Vasquez ; le plus âgé des commis était placé devant un poste d’emballage, en arrière d’eux. Personne d’autre ne se trouvait dans l’entrepôt. Les quatre hommes commentaient les événements liés au poltergeist, lorsque soudain ils entendirent le bruit d’un verre se brisant dans une allée, dans le dos de Vasquez, et découvrirent en effet les morceaux d’un grand verre, jonchant le sol. Bien que n’ayant pas vu la trajectoire de l’objet, ils eurent la conviction de l’impossibilité pour ce verre d’être tombé par des moyens ordinaires.
Plusieurs personnes non scientifiques ont prétendu avoir observé des mouvements d’objets dans l’entrepôt. Une fois, deux personnes placées selon des angles différents affirmèrent ensemble avoir assisté à un tel déplacement. Madame Joyce M. George, sœur de M. Laubheim, et Madame Ruth May, une des employées chargées de la décoration des articles de souvenir, décrivirent toutes deux la chute d’une bouteille de jus d’orange. Mme George déclara à un autre visiteur de l’entrepôt qu’elle vit la bouteille quitter son étagère, « s’élancer dans les airs, puis heurter le sol avec fracas au niveau du col, avant de rebondir par trois fois, couchée sur le côté 4 ».
L’un des aspects les plus intéressants de ce cas portait sur la personnalité de Julio Vasquez, l’individu auquel tous ces événements se trouvaient associés. Vasquez éprouvait de l’antipathie pour un de ses employeurs. Un jour que ce dernier était en train de réprimander un autre employé, Vasquez confia à un chercheur : « Ce n’est pas une manière de parler à un homme. »
Les scientifiques pensent que, étant lui-même soumis à ce type de remontrances, il pouvait se sentir incapable de manifester sa réprobation, de peur de perdre son travail. L’issue de ce cas fut regrettable. Vasquez fut renvoyé le 1er février, en partie à cause de l’arrêt quasi complet des activités régulières de l’entrepôt, produit par les manifestations paranormales, et en partie parce que Vasquez fut soupçonné d’avoir pénétré dans l’entrepôt par effraction, quelques jours auparavant, pour fins de cambriolage. Invité par le parapsychologue Roll, il se rendit à Durham, en Caroline du Nord, en vue d’une étude approfondie. Pendant son séjour, on rapporte que « son » poltergeist provoqua le bris d’un vase, dans le laboratoire même de J .B. Rhine (il s’agit de la seule manifestation, apparemment de type poltergeist, survenue à ce jour dans un laboratoire de parapsychologie). Roll lui proposa de le faire inscrire dans une école pour qu’il apprenne l’électronique ; mais Vasquez refusa cette offre et retourna à Miami. Des manifestations de type poltergeist se produisirent dans les diverses autres places où il trouva un emploi. Aux dernières nouvelles, Vasguez était en prison à Porto Rico. Roll ne sait pour quel motif.
Considérant cette étrange série d’événements, Pratt déclare :
Etant donné les conditions dans lesquelles nous avions pu effectuer nos observations, il ne fait, pour moi, aucun doute que ce cas était authentique (5).
Références :
1) Rogo, S. (1974), Apparitions, Hauntings and Poltergeists, in : Mitchell, E., Psychic Exploration, New York : Putnam.
2) Roll, W.G. (1977), Poltergeists, Handbook of Parapsychology.
3) Bender, H. (1969), New developments in poltergeist research, Proceedings of the PA, 6 (81-102).
4) Flammarion, C. (1923), Les maisons hantées, Paris, Lib. Ernest Flammarion.
5) Bozzano, E. (1923), Les phénomènes de hantise au moment de la mort, Paris, Ed. de la B.P.S.
Cet article est extrait du Cd-rom Psi-explorer réalisé par Mario Varvoglis en 1995, et ayant pour but de présenter au grand public de façon vulgarisée les recherches parapsychologiques et leurs implications.
Site originel : http://www.metapsychique.org/
Vous pouvez laisser une réponse.
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.