Fantômes de vivants

C’est le titre original anglais (Phantasms of the Living) d’un ouvrage, rédigé en 1886 et paru en France en 1891 sous le titre modifié « Les hallucinations télépathiques », rédigé par Frederic Myers et Edmund Gurney, avec la participation de Frank Podmore, tous trois membres de la Society for Psychical Research anglaise.

Fantômes de vivants dans POLTERGEISTS et LEGENDES 220px-Athenodorus_-_The_Greek_Stoic_Philosopher_Athenodorus_Rents_a_Haunted_HouseIl arrive parfois, qu’en dehors de tout motif grave, des individus apparaissent à leurs proches, ou dans des lieux qui leurs sont familiers, tout en étant physiquement à des distances considérables. Une telle aventure est survenue à Goethe : un jour qu’il se promenait sur une route avec un ami, il eut la surprise de rencontrer un autre ami du nom de Frédéric. Il l’interpela, mais celui-ci disparut sans répondre. De retour à son domicile, Goethe eut la surprise d’y trouver ledit Frédéric qui, assoupit, lui dit avoir rêvé leur rencontre sur la route.

Ce phénomène de dédoublement est connu sous le nom de bilocation lorsqu’il concerne des mystiques, des bienheureux ou des saint tel le Padre Pio. Pour les ésotéristes, il pourrait s’agir de cas de dédoublement astral, le corps astral étant perçu exceptionnellement par des tiers.

«Nous ne les voyons point mais voyons-nous l’air?», écrivait l’Abbé Prévost dans « Les revenants de la terre de Cleray». La question du fantôme ou plus généralement celle du revenant hante tout le 19e siècle. Sa littérature également. Si cette époque est l’âge d’or du fantastique, tous les auteurs de ce temps se sont penchés sur le sujet, de Maupassant à George Sand en passant par Hugo. Un essai en synthétise les diverses manifestations: «Fantômes, esprits et autres morts vivants».

«Mon nom me prédestinait à m’intéresser aux vampires», sourit l’auteur, Daniel Sangsue, professeur de Lettres modernes à l’Université de Neuchâtel. «Je m’étais intéressé à ce type particulier de revenants, il y a quelques années déjà. Cette fois, j’avais envie de balayer plus large», explique- t-il. «Si de nombreux articles ont été publiés sur le sujet, aucun livre n’en faisait la synthèse. J’ai donc écrit celui que j’aurais aimé trouver», poursuit-il avant de se lancer dans le vif de la problématique. Un intérêt originel L’intérêt pour les phénomènes de revenance n’est pas propre au 19e. La question de l’après-vie traverse la littérature dès ses origines. Cependant, le rapport à la mort change à cette époque. «Si elle était bien intégrée jusque-là dans la vie quotidienne, on l’occulte soudain. Et qui dit peur de la mort, dit peur du retour des morts.» Cette phobie soudaine trouve plusieurs explications qui se traduisent dans la littérature par diverses formes de revenance: spectre, vampire, réincarnation, etc. L’une des plus marquantes est celle du revenant en morceaux.

Gravure de l'ouvrage de Collin de Plancy : Histoire des vampires et des spectres malfaisans avec un examen du vampirisme, 1820Et plus particulièrement, celle de la tête guillotinée qui, retrouvant «vie», attaque le vivant. Une culpabilité traverse le siècle. Autour de la guillotine, qui était censée offrir une mort humaine au condamné, naît une polémique: la personne meurt-elle sur le coup, ou garde-t-elle conscience quelques secondes, voire en-quelques minutes ? Les revenants ne sont pas l’apanage de la littérature. Au 19e siècle, les peintres s’intéressent également à eux. Ici, «Le vampire» d’Edvard Munch, qui date de 1893.

SP encore? La question de la délimitation entre la vie et la mort se pose donc en même temps que naissent des récits légendaires – la tête de Charlotte Corday aurait rougi après avoir reçu un soufflet de son bourreau – puis littéraires tels que «La femme au collier de velours» de Dumas. La nouvelle raconte comment un jeune homme découvre les plaisirs de la chair auprès d’une courtisane. Mais au petit matin, il se réveille au côté d’un cadavre. La femme en question avait été guillotinée la veille. Une fascination… Ce texte de Dumas rend également compte de la fascination qu’exerce la mort, car s’il y a répulsion, il y a également attirance. Attirance qu’illustre encore dès le milieu du siècle – à partir de 1847 aux Etats-Unis et de 1853 en Europe – l’engouement pour le spiritisme «qui, au travers des tables tournantes, ouvre à un rapport actif aux morts puisque soudain, on les appelle», explique Daniel Sangsue.

Le phénomène imprègne toutes les classes sociales. Il s’ancre aussi bien dans le milieu ouvrier qu’aristocratique. Dans la famille de Victor Hugo, le fils Charles menait les séances de spiritisme. «Par la suite, on s’est rendu compte que les voix entendues pastichaient toutes le style du père. On découvrait alors la voix intérieure qui ouvrait la voie à la psychanalyse. » Si le 20e siècle tend à la rationalisation avec l’émergence du «ça», les croyances en la revenance, mais également leur présence dans la littérature, puis le cinéma et les séries télé est toujours aussi vive. «Dans notre société actuelle, nous occultons toujours autant la mort», avance le professeur. «Il n’y a qu’à penser aux rituels que l’on instaure autour des cendres d’un être cher, pour comprendre notre besoin de réinjecter du sens dans le trépas.»

Livre académique, «Fantômes, esprits et autres morts-vivants» s’adresse néanmoins à un public plus large. Il ouvre à une réflexion qui dépasse la littérature, car celle-ci donne corps à ce qui, comme l’air, ne se voit pas. Elle sublime ainsi nos préoccupations les plus intimes.

Christelle Magarotto, L’Express, Lausanne, 15 décembre 2011

Publié dans : POLTERGEISTS et LEGENDES |le 18 mars, 2012 |Pas de Commentaires »

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