Je ne peux pas ne pas vous aimer…
Entretien avec Luis Ansa
PARU AUX EDITIONS G.Productions.presse http://www.gproductions.fr/presse_detail.php?id_art=124
Pour avec Luis Ansa, le chaman n’est pas un nouveau type de gourou, il ne sait pas tout. Il propose une voie personnelle sans compétition, sans pouvoir et sans domination afin que l’homme occidental puisse se reposer et s’ancrer dans le corps pour léguer à ses enfants une culture enracinée et pas une culture théorique. Rencontre.
Qu’est-ce que l’Occident comprend des chamans ?
À travers ce que disent et publient les journalistes et les directeurs de maisons d’éditions, l’Occident pense que les chamanes sont détenteurs de quelque chose. En effet, on peut lire qu’un tel dit posséder le pouvoir des plantes, un autre celui des cailloux ou des animaux, un troisième possède la roue médecine ou le pouvoir d’attrapeur de rêves. Mais l’authentique chaman sait qu’il n’est qu’un canal par lequel passeront certaines choses si elles sont nécessaires. Il ne se présente pas comme détenteur mais comme un serviteur de quelque chose. Notre société est avide de sensations et ne filtre pas assez la quantité de bêtises qui se dit au nom de Dieu. Ça a commencé avec la période de l’inquisition, au Moyen Âge, avec la chasse aux sorcières et ces centaines de femmes qui ont été torturées et brûlées.
Comment les chamans savent-ils ce qui s’est passé dans l’Europe du XIVe siècle ?
C’est la question que je lui ai posée. Il m’a dit : « L’homme en général travaille avec une mémoire écrite, avec une mémoire historique. Mais certains êtres savent en puisant dans la grande mémoire de l’être humain depuis qu’il est apparu dans la manifestation. Cette véritable mémoire se trouve dans l’espace, pas dans les livres. C’est l’intentionnalité qu’avaient les prophètes. Cette mémoire galactique ou cosmique qu’on appelle la totalité ou macrocosme a sa correspondance dans chacune de nos cellules. » Et je comprenais que cet homme connaissait plus que ses plumes, plus que son tambour, plus que ses rites. C’était l’homme de connaissance que j’avais en face de moi. Il ne m’amenait pas vers des zones obscures avec des rituels devant lesquels je serais resté bouche bée. Il ne me traitait pas comme un acheteur de rituels, mais en adulte. Il faisait appel à mon intelligence. Alors j’ai gardé ses paroles inscrites dans ma poitrine : « L’être humain a, à l’intérieur de lui-même, un corps de connaissance, de mémoire. Vous l’appelez l’âme. Elle est un trésor de vie. Toute est vie, même sur le plan biologique. Toutes les molécules ne travaillent que par mémoire. On l’appelle aussi l’amour. » Il me conduisait à l’intérieur de moi-même où je ne pouvais que voir l’évidence.
Que propose exactement le chaman ?
On a déserté la planète et l’on s’est déserté soi-même. La preuve c’est qu’aujourd’hui, pour revenir soi-même, on fait appel aux psychothérapeutes, à la psychanalyse. On veut retourner là où on puisse être tranquille sans besoin d’être aimé. Pouvoir manger sa tomate sans une espèce de frustration parce qu’on est seul ; manger tranquillement et ne pas être à la merci de cette considération de ce que l’autre peut penser. Le chaman ne propose pas l’enseignement, il ne propose pas une méthode ni un dogme, ni un système. Il ne s’agit pas de sortir d’un système de penser pour entrer dans une autre forme d’esclavage. Le chaman n’est pas un nouveau type de gourou, il ne sait pas tout, il propose une voie personnelle sans compétition, sans pouvoir, sans domination ; une voie où l’on avance seul en sachant que l’on s’enrichit les uns les autres. Le chaman peut offrir un panier de pratiques simples pour que l’homme occidental puisse se reposer, puisse s’enraciner dans le corps, afin de léguer à ses enfants une culture enracinée et pas une culture théorique.
Comment avez-vous commencé à parler du chamanisme en Europe ?
D’abord, cela m’a été demandé par mon ami Don Diego qui voulait que je démystifie ce qu’on pense du chamanisme en Europe. Il m’a dit : « Luis, veux-tu être “connecté” ? Veux-tu être un maillon ? » J’ai dit oui. « Alors, tu as droit à la parole » et il a mis sa main sur sa langue puis me l’a posée sur la bouche. « Lorsque tu auras besoin, ce que je peux, tu le pourras ; ce que je sais, tu le sauras et ce que je suis, tu le seras toi-même. ».
La première chose que j’ai faite, c’est de dire que le chamanisme propose une thérapie « ordinaire ». L’enfant qui souffre deviendra un homme avec des problèmes, des inhibitions et beaucoup de souffrance. Les chamanes ne donnent pas une explication de la souffrance comme le font les psychothérapeutes. Ils savent d’une façon claire que la souffrance est enracinée dans les cellules et ils se posent la question d’une façon rationnelle : « Comment cette souffrance est entrée dans le corps de l’enfant et où s’est-elle logée ? » Ils savent que le corps humain est constitué de « régions mémorielles » qui ont leur correspondance avec les centres d’énergie (chakras) décrit en Orient. Si le chamane sait dans quelle mémoire s’enracine la souffrance, dans quelle région, il peut aller sensitivement la déraciner.
Cette approche oblige-t-elle à recourir à la magie ?
Mais Dieu, c’est la magie, le mystère et c’est ce mystère dans lequel le chaman propose d’entrer, mais dans un équilibre. Il faut permettre que le rationnel soit sauvegardé et protégé par l’irrationnel. Il faut réintroduire la partie poétique de la vie. Les chamans m’ont aussi appris ceci : je suis en train de parler avec vous, mais je ne peux pas ne pas vous aimer. Mais qu’est-ce qu’on en a à fiche de cet amour entre vous qui êtes un journaliste et moi ? Rien. C’est superflu. Mais ma conscience tient compte de ce superflu. Et je ne parle pas de vous aimer parce que vous allez me donner ça ou ça ou ça. C’est que pour pouvoir parler avec vous, il faut que je puisse aussi vous aimer, sinon ce n’est pas moi qui vais vous parler, c’est seulement ma personnalité, c’est ma créature mais pas mon être. Mon être n’a ni parti politique, ni culture. Mon être est pur amour parce qu’il est de la vie.
Comment cette compréhension vous est-elle venue ?
La plupart des gens veulent un gourou, ils veulent un chef. Et le chamanisme, c’est l’inverse. Il faut arrêter de se rendre intéressant. Il faut s’habiller comme tout le monde, parler comme tout le monde et ne pas se rendre comme un mystère parce que le mystère ce n’est pas le chamane. Le mystère, c’est l’autre qui permet au chaman d’apprendre. Le chaman sait que le mystère, c’est l’autre et la concavité dans laquelle ce mystère rentre, c’est l’être. C’est l’autre qui compte. À la fin de mes conférences sur le chamanisme, les gens viennent chercher une aide car ils ne veulent plus être manipulés par la pensée. Ils veulent retourner à la maison, retourner aux « amours courtois » dans lesquels le dialogue existe. Et ça, c’est le chamanisme.
S’enraciner, une histoire d’amour
Le travail que l’occidental a à faire c’est de rentrer dans le corps avec un esprit éveillé et plus comme un somnambule. Mais pour s’enraciner, il faut s’aimer. L’amour est la seule force nécessaire pour investiguer et découvrir la matière. Le chaman travaille avec l’autre énergie sans nier l’énergie masculine. Il capte et travaille les impressions. C’est pour ça que le chamanisme est basé entièrement sur les cinq sens, capter la saveur, la couleur, l’odeur, les sons et le goût de la vie pour donner encore..Franceropos recueillis par Yannick Le Cam
G. PRODUCTIONS BP 50236 – –9004 AUXERRE CEDEX – –RFrance –él. 33 03 86 98 20 75 – contact@gproductions.fr |
