Peur et mort
A mesure que l’homme comprend mieux la vie future, l’appréhension de la mort diminue ; mais en même temps, comprenant mieux sa mission sur la terre, il attend sa fin avec plus de calme, de résignation et sans crainte. La certitude de la vie future donne un autre cours à ses idées, un autre but à ses travaux ; avant d’avoir cette certitude, il ne travaille que pour la vie actuelle ; avec cette certitude, il travaille en vue de l’avenir sans négliger le présent, parce qu’il sait que son avenir dépend de la direction plus ou moins bonne qu’il donne au présent. La certitude de retrouver ses amis après la mort, de continuer les rapports qu’il a eus sur la terre, de ne perdre le fruit d’aucun travail, de grandir sans cesse en intelligence et en perfection, lui donne la patience d’attendre et le courage de supporter les fatigues momentanées de la vie terrestre. La solidarité qu’il voit s’établir entre les morts et les vivants lui fait comprendre celle qui doit exister, entre les vivants ; la fraternité a dès lors sa raison d’être et la charité un but dans le présent et dans l’avenir.
Pour s’affranchir des appréhensions de la mort, il faut pouvoir envisager celle-ci sous son véritable point de vue, c’est-à-dire avoir pénétré, par la pensée, dans le monde spirituel et s’en être fait une idée aussi exacte que possible, ce qui dénote chez l’Esprit incarné un certain développement et une certaine aptitude à se dégager de la matière. Chez ceux qui ne sont pas suffisamment avancés, la vie matérielle l’emporte encore sur la vie spirituelle.
L’homme, s’attachant à l’extérieur, ne voit la vie que dans le corps, tandis que la vie réelle est dans l’âme ; le corps étant privé de vie, à ses yeux tout est perdu, et il se désespère. Si, au lieu de concentrer sa pensée sur le vêtement extérieur, il la portait sur la source même de la vie : sur l’âme qui est l’être réel survivant à tout, il regretterait moins le corps, source de tant de misères et de douleurs ; mais pour cela, il faut une force que l’Esprit n’acquiert qu’avec la maturité.
L’appréhension de la mort tient donc à l’insuffisance des notions sur la vie future ; mais elle dénote le besoin de vivre, et la crainte que la destruction du corps ne soit la fin de tout ; elle est ainsi provoquée par le secret désir de la survivance de l’âme, encore voilée par l’incertitude.
L’appréhension s’affaiblit à mesure que la certitude se forme ; elle disparaît quand la certitude est complète.
Voilà le côté providentiel de la question. Il était sage de ne pas éblouir l’homme, dont la raison n’était pas encore assez forte pour supporter la perspective trop positive et trop séduisante d’un avenir qui lui eût fait négliger le présent nécessaire à son avancement matériel et intellectuel.
Extrait de LE CIEL ET L’ENFER SELON LE SPIRITISME par Allan Kardec
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