Qui est Marie-Madeleine

Qui est Marie-Madeleine dans MARIE-MADELEINE 280px-Canova-Magdalene_45_degree_view VM : - Marie Madeleine, personnage mythique ? Ou historique ?

Chr. D. : D’une certaine manière les deux. Personnage mythique, parce qu’il y a eu, c’est certain, une reconstruction imaginaire de Marie-Madeleine. Mais personnage historique, parce qu’il y a, à la base, avant cette reconstruction, une femme réelle. Qu’il y ait eu reconstruction imaginaire de ce personnage originel, c’est indéniable, mais cela n’interdit en rien son existence historique. Le processus est d’ailleurs assez habituel. Tous les grands personnages de l’Histoire ont une double figure. Une figure « réelle », et une figure mythique, forgée par eux de leur vivant à des fins politiques, ou par d’autres après leur mort. C’est en général cette second figure qui est la plus connue. De ce point de vue, l’Histoire est une fable. Pour Marie-Madeleine, le phénomène est sans doute plus accentué encore. Ce qui est vrai en histoire politique, est en effet, comme on a pu le remarquer, plus sensible encore concernant le domaine du religieux. Edith Mora analyse très bien ce phénomène dans sa biographie de la poétesse Sappho. Bien qu’il y ait, de manière incontestable, une Sappho historique, celle que l’on perçoit en pensant à la poétesse de Lesbos, est avant tout le personnage mythique élaboré sur ce substrat historique. Au point, nous dit Edith Mora, qu’il serait presque tentant de ranger Sappho au rang des poètes purement mythiques, tels Orphée. Les raisons de ce phénomène sont bien connues. Le saut de Sappho depuis le rocher de Leucade est, sous le règne de Claude, choisi par les Pythagoriciens de Rome pour être l’apothéose de la décoration ésotérique de leur chapelle secrète. A la même époque, dans les « Epîtres amoureuses » d’Ovide, Sappho est le seul personnage ayant eu une existence réelle, au milieu d’autres personnages purement légendaires… Comme le note Edith Mora, à partir de là, Sappho acquiert un statut similaire à celui des figures imaginaires qui l’entourent, que ce soit Hélène ou Ariane. Par effet de contamination, elle devient, elle aussi, un mythe. Le même phénomène a engendré l’apparition d’une Marie-Madeleine mythique à côté de la Marie-Madeleine historique.

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Cette reconstruction mythique de Marie-Madeleine est flagrante chez plusieurs auteurs. Marie-Madeleine est un agrégat de mythes. Je ne prendrai ici que deux exemples.

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Le premier concerne la beauté légendaire de Madeleine. Cette idée que Marie-Madeleine était une femme d’une beauté incomparable a fait que sa figure s’est peu à peu confondue à celle de Vénus… Cela est plus ou moins explicite. Explicite, par exemple, en 1668, chez Pierre de Saint Louis qui, lorsqu’il décrit Marie-Madeleine traversant la Méditerranée, met en scène les poissons regardant la jeune femme sur son navire et conclut : « Et son port gracieux la leur fait estimer / Cette Divinité qui nâquit de la Mer. » La comparaison est fréquente. On la trouvait déjà en 1663 dans la « Sainte Magdeleine » d’Antoine Godeau. Alors que le poète évoque l’arrivée de Marie-Madeleine à Marseille, il signale que les habitants de la ville, éblouis par sa beauté, la prirent pour l’antique déesse : « Lors que l’on vid marcher l’illustre Magdelaine, / On crut voir des Amours la fabuleuse reine. » Cette comparaison est plus particulièrement intéressante. On voit ici sur quel système d’analogie se construit le mythe magdalénien. Marie-Madeleine arrivant à Marseille, rappelle la figure de Vénus sortant des eaux… Cette identification tend par un effet de contamination comparable à celui noté pour Sappho, à faire de Madeleine un être mythique au même titre que Vénus. Car si elle est rarement aussi explicite, l’assimilation de Madeleine à la déesse de l’amour, est souvent là. Dans les Beaux Arts, les nudités de Madeleine rappellent celles de Vénus. La magnifique « Marie-Madeleine dans la grotte » de Jules Joseph Lefebvre, est plus une invitation au plaisir, qu’à la pénitence…

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Autre exemple : Madeleine et la Mélancolie. Sous la plume de plusieurs auteurs, Marie-Madeleine se retire à la Sainte-Baume parce que terrassée par la mort de Jésus. La logique de son retrait est donc une logique de deuil, de désespoir. Ainsi, plusieurs peintres, vont-ils représenter sa pénitence en s’inspirant du modèle des Mélancolies. Madeleine prend dès lors le visage d’une figure allégorique. Il est à ce sujet notoire que plus d’un tableau représentant sainte Marie-Madeleine ermite a été confondu, le titre du tableau ayant été perdu, à des figures de Mélancolie. Anne Larue aborde ces cas de confusion…
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Pour conclure, disons que concernant le rapport entre mythe et réalité, le cas de Marie-Madeleine, est comparable à celui de Jésus. Du point de vue de l’Histoire, il ne fait aujourd’hui plus de doute que Jésus a bien existé. Toute la question est de savoir qui il a vraiment été. Il s’agit de déceler la vérité historique à travers le mythe reconstruit au fil des siècles… D’une certaine manière, voilà quel était le but de mon ouvrage : essayer de déceler le véritable visage de Madeleine, c’est-à-dire le visage historique, à travers le visage mythologique composé au fil des siècles…

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Publié dans : MARIE-MADELEINE |le 20 septembre, 2010 |1 Commentaire »

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1 Commentaire Commenter.

  1. le 1 avril, 2011 à 4:18 Barabas écrit:

    Votre tentative de faire de Marie Madeleine
    un personnage historique, tout autant que de Jésus, est subtile mais fallacieuse.
    Il n’existe à ce jour AUCUNE certitude historique de leur existence !
    Quant au personnage et au séjour de Marie Madeleine dans la grotte de la Ste Baume, il fut construit à partir d’une légende bien plus ancienne, de Marie l’Égyptienne, la prostituée d’Alexandrie. par des moines « inspirés » au VIIIe siècle.
    Laissons aux mythes ce qui appartient aux mythes, sans faire d’amalgame avec la réalité historique.

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